Sud Radio Sports : Vous faites partie du comité de pilotage, quand on organise un tel tournoi, comment on vit la situation du forfait de Raphaël Nadal ? Nathalie Dechy : Je pense que c'est une grosse déception pour lui en premier, mais aussi pour le tournoi. Raphaël Nadal, c'est une histoire particulière avec Roland Garros, c'est 9 victoires et cette dixième qu'il cherche et qu'on a tous envie de voir avec lui. Donc ça devient de plus en plus dur. C'est vrai qu'on voyait des petits signes de faiblesses sur son poignet depuis quelques matchs. Sur Madrid et Rome il s'en était plaint quelquefois alors qu'il n'est pas du tout du genre à se plaindre. On a appris qu'il avait eu une injection pour essayer de jouer le second tour. Le poignet c'est galère, j'en parle en connaissance de cause, c'est vraiment une articulation dure à gérer. C'est dur pour Raphaël, il y a eu un moment hyper émouvant dans les espaces joueurs, il est allé dire au revoir à tout le monde, des filles pleuraient, car il a vraiment construit une histoire avec ce tournoi. Ça montre l'humilité et le fait que les gens l'adorent ici. Comment tu vois le tableau, ça peut être une chance pour les autres ? Oui ça ouvre le tournoi, de toute façon à un moment ce big 4 était en train de tout truster. Disons que depuis deux ans, il y a quelques failles, elles sont apparues avec Federer et Wawrinka en a profité à un moment. C'est ce que disait dit Guy Forget, je ne suis pas sûr que ça ouvre un boulevard à Dkojovic parce qu'il y a des joueurs maintenant qui commence à y croire plus, même si un Nadal était de toute façon un tenant du titre potentiel, il y a quand même de très bons joueurs. On a vu Jo qui a fait deux demi-finales à Roland Garros donc qui est quand même hyper à l'aise ici sur la terre battue parisienne. On a Goffin dont on ne parle pas trop, qui est peut-être poids plume, mais qui joue très très bien au tennis. Jo, il faudra quand même qu'il aille chercher Goffin. Il y a une densité quand même sur le tennis masculin, c'est peut être un peu la chance qu'ont ici les spectateurs, c'est qu'il n'y avait pas que Nadal, Federer et Monfils à voir, même si c'est sur, c'est une année dure.
"Kristina Mladenovic est à l'aise sur les gros matchs"
Tu es surprise par la performance de Richard Gasquet ou pas du tout ? Pas tant que ça, peut être un peu parce cette année il a eu des petits soucis de santé et qu'on se demandait un peu avec quel état physique il arriverait sur Roland Garros. Mais c'était intense ce qu'il faisait aujourd'hui, il était hyper concentré, je pense qu'il craignait cet Australien, mais il lui a montré que sur terre battue il avait quand même une bonne petite expérience et ça a bien marché. Kristina Mladenovic peut-elle le faire ? Est-ce qu'on peut croire à une victoire face à Serena Williams, par rapport à ce qu'elles ont démontré toutes les deux. D'un côté Kristina fait une demi-bonne saison et puis Serena qui n'a gagné qu'un seul titre et qui n'a pas montré de grande envie finalement sur le cour ? Pour moi, Kristina est une fille qui adore les grands rendez-vous et qui est à l'aise sur les gros cours et sur les gros matchs. C’est pour ça qu'elle aime la Fed Cup et qu'elle a fait de super résultats ici. Quand elle bat Bouchard alors qu'elle est 5e mondiale... elle l'a déjà fait, et puis Serena 2016 n'est pas Serena 2012, 2013 et 2014. Je me dis que c'est une surface sur laquelle elle peut la déranger avec son jeu varié et ses amortis. Ça dépendra quand même beaucoup du mode dans lequel est Serena Williams, c'est toujours le point de départ.
"Quand je dis qu'il y a une inégalité de traitement du tennis féminin, c'est pour l'avoir vécu"
Il y a un buzz en ce moment autour du tennis féminin. Tu partages l'idée que les filles doivent être plus régulières et dans le Top 30 pour qu'on en parle plus souvent ou tu as l'impression que finalement quelque soit les résultats, il n'y a pas le retour qui convient ? Ce n'est pas ou tout noir, ou tout blanc. D'un côté c'est vrai que les filles françaises ont une génération de garçon qui prend beaucoup de place avec les Tsonga, Gasquet, Monfils et compagnie. De l'autre côté, c'est vrai que le traitement médiatique n'est pas encore équitable. Il faut, je pense, mettre les bouchées doubles. C'est vrai que les filles l'ont verbalisé, elles pensaient que quand elles arriveraient en finale de Fed Cup on en parlerait. Mais déjà, à la base, la Fed Cup n'a pas du tout la même médiatisation que la Coupe Davis. Donc ça plus ça fait que les filles rament. Mais c'est bien de le dire, d'en prendre conscience, de voir des filles d'autres sports comme les Lyonnaises qui gagnent la coupe en football. C'est bien de voir tous ces résultats-là, il faut en parler parce que les filles quand elles marchent bien, elles méritent qu'on en parle. Vous en avez souffert de cette inégalité ? On fait partie entre guillemets, on nous le dit souvent, d'une génération dorée. Et puis il y avait Amélie Mauresmo qui était numéro 1 mondial, qui gagnait des Grands Chelems. Moi comme j'étais juste derrière, quand je faisais un troisième tour ou une huitième de finale en grand chelem, c'était un peu nul. Des huitièmes de finale en grand chelem j'en ai fait plein, et ça faisait un demi-filet dans l'Équipe. Quand je fais ma demi-finale, j'ai un quart de page dans l'Équipe. On dit que c'est parce que l'horaire, le machin, le truc. Est-ce que j'en ai souffert ? Honnêtement, j'avais pris le parti d'essayer d'y dépenser le moins d'énergie. Je pense que j'ai plus réalisé après coup. Quand je dis qu'il y a une inégalité de traitement, c'est pour l'avoir vécu. Une demi-finale en grand chelem, est-ce que ça méritait un quart de page, je ne suis pas sûre.