A nouveau vainqueur de l'Open d'Australie dans le sillage d'une saison 2024 déjà étincelante, le N.1 mondial Jannik Sinner incarne l'excellence dans la plus pure sobriété, l'Italien se définissant lui-même comme "quelqu'un qui essaie juste de bien jouer au tennis", à la force du poignet.
Avant de signer dimanche une 21e victoire d'affilée, ce fils d'un cuisinier et d'une serveuse qui a grandi dans la région germanophone du Haut-Adige (nord-est de l'Italie) avait récemment réfuté tout sentiment d'invincibilité.
"J'ai seulement 23 ans et je ne suis pas parfait", avait-il souligné.
"J'essaie de rester calme, de ne jamais rien prendre pour acquis. Honnêtement, je suis juste bien préparé. Devenir meilleur passe par une routine quotidienne. C'est tout", a poursuivi celui qui est devenu à Melbourne l'Italien le plus titré de l'histoire en Grand Chelem, avec trois sacres.
"Je sais qu'il n'a que 23 ans mais, parfois, j'ai l'impression qu'il est beaucoup plus âgé et beaucoup plus sage que nous tous", s'amuse son entraîneur Darren Cahill, du haut de ses 59 ans.
S'il n'avait pas craqué, adolescent, pour le tennis, Jannik Sinner aurait sans doute pu être champion de ski alpin. Né le 16 août 2001 à San Candido, dans les Dolomites, il a dévalé ses premières pistes à l'âge de trois ans.
C'est seulement vers 13 ans que le tennis, longtemps un simple passe-temps pour un gamin plein d'énergie, prend le dessus sur le ski. Il vient pourtant d'être champion d'Italie de slalom géant, mais le ski, avec sa saison courte, n'étanche pas sa soif de compétition. Il se prend de passion pour le héros local Andreas Seppi, qui culmina au 18e rang mondial en 2013, et surtout pour Roger Federer.
. Une ascension régulière
Grand pour son âge, endurant, Sinner est vite identifié comme un joueur à gros potentiel et part s'entraîner à plus de 600 kilomètres de ses montagnes, à Bordighera, au bord de la Méditerranée.
Sous la houlette de Riccardo Piatti, ancien entraîneur du Français Richard Gasquet et du Canadien Milos Raonic, l'adolescent devient N.1 mondial chez les juniors, marque ses premiers points ATP en 2018 et s'extrait l'année suivante des qualifications de l'US Open pour disputer son premier tournoi du Grand Chelem.
En 2019, il remporte à 18 ans à Milan le NextGen, le tournoi qui réunit les meilleurs joueurs de moins de 21 ans de l'année, et s'installe dans le top 100 avec le statut de "révélation de l'année".
Vainqueur en 2020 de son premier titre sur le circuit principal, un ATP 250 à Sofia, il commence à séduire le grand public italien par sa simplicité, son éthique de travail et les... carottes qu'il mange aux changements de côté.
Début 2022, Sinner, installé dans le top 20 mais frustré par ses résultats en Grand Chelem, met fin à sa collaboration avec Piatti.
Il passe un nouveau cap sous la direction de son compatriote Simone Vagnozzi et de l'Australien Darren Cahill en frappant encore plus fort et en asphyxiant ses adversaires.
Pour Vagnozzi, "Jannik aime être sous pression, connaître des moments difficiles" pendant les matches. "C'est à ce moment-là qu'il produit son meilleur tennis."
Depuis novembre 2023, il collectionne les trophées: deux Coupes Davis avec l'Italie, les Finales ATP en 2024, trois titres en Grand Chelem... Jusqu'à grimper en juin sur le trône de N.1 mondial, jamais conquis auparavant par un joueur italien.
Adulé en Italie, qui ne lui reproche même plus d'être résident monégasque ou d'être plus à l'aise en allemand qu'en italien, Sinner est très attaché à sa famille et peu présent sur les réseaux sociaux.
C'est "le fils ou le gendre que tout le monde aimerait avoir", pour le président de la Fédération italienne Angelo Binaghi.
Seuls nuages dans ce ciel bleu: ses contrôles positifs au clostebol (un anabolisant) en mars 2024.
S'il plaide la contamination accidentelle et n'a été que très légèrement sanctionné par l'Agence internationale pour l'intégrité du tennis (Itia), l'Agence mondiale antidopage (AMA) a fait appel et réclame une suspension d'un à deux ans auprès du Tribunal arbitral du sport (TAS), qui examinera l'affaire mi-avril.
Imperturbable, Sinner n'a jamais autant gagné que depuis la révélation de ses contrôles positifs.
"Quand il joue au tennis, c'est là qu'il se sent en sécurité", analyse Darren Cahill. "C'est ce qu'il sait faire, c'est là qu'il excelle, le court est devenu un refuge pour lui", juge le technicien australien.
Par Jérôme RASETTI, Damien GAUDISSART / Melbourne (AFP) / © 2025 AFP