En temps normal déjà, Paris-Roubaix et ses six millions de pavés acérés constitue un des sommets de la saison. La présence de Tadej Pogacar décuple l'excitation avant une 122e édition qui s'annonce exceptionnelle dimanche.
Ils sont nombreux à compter les heures jusqu'au départ, prévu à 11h10 de Compiègne, pour une journée qui, "Reine des classiques" oblige, produira quoi qu'il advienne des histoires à raconter, entre chutes effrayantes, crevaisons crève-cœur, attaques osées et larmes à l'arrivée.
Mais cette année, l'attente est supérieure encore, parce que tous les cadors des pavés seront au départ avec le double vainqueur sortant Mathieu van der Poel, le Belge Wout Van Aert, le Danois Mads Pedersen, l'Italien Filippo Ganna ou encore le Suisse Stefan Küng.
Et puis il y a Pogacar, dont la participation, la première pour le Slovène chez les grands - il avait couru Paris-Roubaix juniors en 2015 et 2016 – sublime l'événement.
"C'est un moment exceptionnel. On attend la venue du dernier vainqueur du Tour de France depuis 34 ans. Et c'est cette année, en 2025", souffle le directeur de l'épreuve, Thierry Gouvenou.
De fait, il faut remonter à 1991 et la venue de Greg LeMond pour trouver un vainqueur sortant du Tour de France qui prend le départ de Paris-Roubaix l'année suivante. Le dernier à avoir gagné dans ces conditions est Eddy Merckx, en 1973. Bernard Hinault avait lui remporté la Reine des classiques avant de triompher aussi sur le Tour, en 1981.
- Fera-t-il le poids? -
Si le rendez-vous de dimanche est attendu avec une telle fébrilité, c'est aussi parce qu'on sent que le vent de l'histoire se lève et que tout le monde brûle de savoir comment va se comporter le champion du monde en Enfer.
Fera-t-il seulement le poids ? Normalement, avec son gabarit de grimpeur (1,76 m, environ 65 kg), le Slovène n'a aucune chance de dompter les pavés disloqués du nord de la France où les costauds font la loi. Au XXIe siècle, les vainqueurs sur le vélodrome pesaient en moyenne autour de 77 kg, soit plus de dix de plus que lui.

Anne-Christine POUJOULAT - AFP
"Honnêtement, s'il arrive à lutter contre les meilleurs sur ce parcours-là c'est juste incroyable. Ce serait sa plus grande performance finalement", estime Philippe Gilbert, vainqueur en 2019 et aujourd'hui consultant sur Eurosport.
Le Belge explique, sur le site de la chaîne, qu'il avait pris trois kilos - "de muscles", précise-t-il - et "énormément travaillé le haut du corps et la force" pour s'imposer dans la Reine des classiques.
Le défi pour Pogacar est donc énorme, mais vu son pedigree beaucoup le croient capable de soulever dès son premier essai le trophée, un pavé bien lourd.
- Van der Poel pour l'histoire -
"Il est champion du monde, vainqueur sortant du Tour et dans la forme de sa vie. Ce sera plus difficile de décrocher les Van der Poel et compagnie qu'au Tour des Flandres (que Pogacar a remporté pour la deuxième fois dimanche dernier) mais j'y crois à 100%", souligne son coéquipier Florian Vermeersch, 2e en 2021, dans la presse belge.
"Il a la puissance nécessaire et on annonce du vent de dos et de travers. Cela présage d'une course rapide et difficile, ce qui sera à son avantage", ajoute-t-il.
Après des semaines de sec, la pluie annoncée dans la nuit (mais plus pendant la course) pourrait rendre les pavés glissants, augmentant encore le côté imprévisible, hasardeux et dangereux de la course la plus sulfureuse de l'année.
Mathieu van der Poel, qui maîtrise les pavés à la perfection grâce à sa puissance dévastatrice et son pilotage parfait, apparaît comme le principal concurrent de Pogacar voire comme le favori numéro un, même si un léger doute entoure son état de forme après un gros rhume.

Anne-Christine POUJOULAT - AFP
Le Néerlandais court lui aussi pour l'histoire et peut devenir, à 30 ans, le troisième coureur à gagner Paris-Roubaix trois fois de suite après Francesco Moser (1978, 1979, 1980) et Octave Lapize, il y a plus de cent ans.
Mais dimanche on scrutera d'abord les moindres faits et geste d'un Slovène, lancé dans ce qui constitue sans doute son plus grand défi à ce jour.
AFP / Compiègne (AFP) / © 2025 AFP