Vous êtes installé à Londres depuis cinq ans. Que devenez-vous ?Robert Pires : J’ai la chance et l'opportunité de travailler encore pour le club d’Arsenal pour lequel je suis un ambassadeur.Qu’est-ce que ça veut dire ?Ça veut dire que je voyage beaucoup. Je représente le club dans la partie asiatique quand il y a une opération ou quand il faut rencontrer des sponsors ou des fans. C'est un travail très agréable et facile qui me permet d'être au contact des gens qui aiment le football et Arsenal. Les Anglais ont une certaine reconnaissance des joueurs qui ont évolué sous leurs couleurs. C'est une superbe opportunité.Vous restez au contact des joueurs en vous entraînant. C'est une volonté de ne pas arrêter ?J'avoue que c'est difficile de raccrocher. Aujourd'hui, j'ai 42 ans et je sais que je ne vais pas resigner de contrat en Europe parce que l'on ne fait pas confiance aux anciens. Mais je suis partie pour une expérience en Inde de 3 mois et aujourd'hui je suis sur un autre projet en Asie.Racontez-nous cette pige en Inde qui devait être complètement incroyable ?C'était incroyable et fou dans tous les sens du terme. Au niveau football, je vais être honnête, ce n’est pas un très haut niveau. Mais si on a fait appel à nous, c'est pour que l'on parle de l'Inde, du football et des Indiens qui adorent le football et qui attendent une reconnaissance. Ils veulent exister malgré leur 151e place au classement FIFA. Pour créer un buzz, ils ont fait appel à Del Piero, à Trezeguet, à Anelka et à moi pour faire parler de cette Indien Super League.Arsenal cette année vient de battre le Bayern en Ligue des champions et ils font un très bon début de saison. C'est le retour d'Arsenal au premier plan ?Je l'espère et je le souhaite à tous les joueurs, mais surtout à Arsène Wenger parce qu'il fait un travail remarquable. Je crois qu'il ne faut pas oublier qu'il est en place ne 1996. À chaque fois il remplit son objectif qui est de joueur la Ligue des champions. Ça fait 17 ans qu'il la joue tous les ans. Il faut le dire. C'est une équipe qui revient à son meilleur niveau et qui a réussi à battre le grand Bayern Munich. Globalement, l'équipe va plutôt bien et je sais de quoi je parle parce que je les vois tous les matins.On a parlé d’invincibles en parlant d’Arsenal. Aujourd'hui, le renouveau de cette équipe passe par qui ?Vous savez, quand on parle d'Arsenal il n'y a pas d'individualité. C'était déjà le cas à notre époque. Quand on parle des invincibles, c'était un collectif, une équipe, mais surtout une solidarité. C'est l'image de fabrique d'Arsenal et surtout d’Arsène Wenger. Ce qu'il veut, c'est créer cette nouvelle dynamique et je pense qu'il est en train de la retrouver. Mais il faut forcément des grands joueurs si on veut gagner. C'est le cas de Cazorla, de Ozil, de Alexis Sanchez, de Oliviers Giroud, de Laurent Koscielny et de Petr Cech.Depuis 1996 Arsène Wenger est le mentor de cette équipe. On parle même de prolongation de contrat pour lui. L'histoire ne peut pas s’arrêter ?Honnêtement, j'ai envie qu'elle dure le plus longtemps possible parce que c'est une histoire d'amour qui s'est créée entre Arsène Wenger et le club. Il y a une certaine reconnaissance. Les supporters veulent voir l'équipe remporter le championnat. Et Arsène et les joueurs feront tout pour porter le trophée. Bien évidemment Arsène partira un jour, j'espère le plus tard possible, mais il faudra trouver la bonne personne pour le remplacer et ça, ce n’est pas si facile.Après un mois et demi passé à Londres pour la coupe du monde de rugby, on s’est rendu compte que les journaux parlaient très peu de cet événement. On avait le sentiment que le championnat d'Angleterre c'est pour eux le meilleur Championnat du monde ?Ce n’est pas à moi de le dire. Je pense que c'est le meilleur Championnat d'Europe parce qu'il y a une vraie rivalité entre 6 ou 7 équipes. Quand le championnat démarre, on ne sait pas qui va gagner. En Espagne, il y a deux équipes. En France on sait qui c’est, en Allemagne c’est pareil, en Italie c’est la Roma ou la Juve. Mais en Angleterre, c'est très compliqué et le rugby ne peut rivaliser avec le foot. Il y a une culture et le football reste une religion, une tradition. Les supporters vont au stade avec le maillot et quoiqu'il arrive ils supportent leur équipe.C'était un championnat très physique. On se souvient du fameux "muscle ton jeu" d'Aimé Jacquet à votre égard, pourtant vous vous sentez bien dans ce championnat ?Merci Aimé (rire). Je m'y sentais bien, je m'y suis adapté. Mais pour être honnête au début ça a été très difficile. Il m'a fallu 6 ou 7 mois pour comprendre le football anglais. L'aspect physique et le fait de se battre tous les matins à l'entraînement. Quand on est bon techniquement il faut passer par autre chose. Pour moi, c'était difficile parce que c'était nouveau. Ce n'était pas ce que l'on m'avait appris dans les équipes françaises et surtout dans les centres de formation à Reims ou à Metz. Il fallait que je recommence à zéro. Mais Arsène Wenger m'a fait confiance. Il a beaucoup cru en moi et ça m'a beaucoup aidé. Après, est-ce que j'ai musclé mon jeu ? Je ne pense pas, j'ai juste gardé mes qualités et mon naturel.Qui voyez-vous champion d'Angleterre cette saison ?Je vais répondre avec le cœur en disant Arsenal. Mais plus sérieusement, je pense qu'ils ont des chances. Maintenant ce qui risque de leur faire défaut, comme chaque saison, c'est le nombre de blessures. C’est là-dessus que le coach va devoir se battre en protégeant ses joueurs. Mais sur le plan collectif et individuel, Arsenal est au-dessus des autres. Un mot sur Chelsea et ce début de saison catastrophique. Vous les voyez quand même se relever ? José Mourinho est-il toujours l'homme de la situation ?Je pense que oui parce que c’est une grande équipe et qu'une grande équipe arrive toujours dans les quatre premiers. Là-dessus, je ne me fais pas de soucis. Je pense aussi que Mourinho est toujours l'homme de la situation parce que c'est un entraîneur qui a tout gagné et qui a de l’expérience. La seule chose qui peut lui faire défaut, c'est qu'il n'a pas l'habitude d'être dans cette situation. Il n'a pas l'habitude d'avoir une équipe aussi basse dans le classement. On va voir comment son comportement va être avec les joueurs et si les joueurs veulent encore se battre pour lui. Il y a beaucoup de questions qui se posent autour de José Mourinho.On parle de lui aussi au PSG. Le club parisien aurait besoin d'un entraîneur comme Mourinho ou Mourinho aurait besoin du PSG pour rebondir ?Avant de penser à José Mourinho, je crois que ce que fait Laurent Blanc est remarquable. Maintenant, ça dépend du président du PSG de savoir s'il a envie de passer à autre chose, à une autre dimension. Dans ce cas-là peut-être. Mais j'ai aussi l'impression qu'il y a toujours une certaine usure au bout de deux saisons entre Mourinho et ses clubs. Affaire à suivre.L'OM a du mal en ce début de championnat. Nouveau coach avec Michel. Quel regard portes-tu sur cet entraîneur qui est très critique envers ses joueurs ?Déjà, Michel était mon idole étant jeune. Il m'a beaucoup inspiré quand j'ai débuté le football. De le voir entraîneur de l'Olympique de Marseille, je trouve ça amusant. Il a été un grand joueur. Aujourd'hui, il est très critique avec son groupe. Est-ce qu'il a raison ou non ? C'est à lui de voir comment il sent son équipe. Mais c'est une situation compliquée pour l'Olympique de Marseille. L'après Bielsa est difficile à digérer. Pour Michel c'est très compliqué parce que le club a perdu 4 ou 5 joueurs titulaires. Ça fait partie de la vie d'un club, mais il faut savoir les remplacer. Je pense que ça n'a pas été le cas. Mais quoiqu'il arrive, Marseille est une équipe que je suis parce que j'y ai joué deux saisons et que je connais un peu la maison. À l’intérieur c'est compliqué, parfois tourmenté. Ce club fait toujours parler de lui ne bien ou en mal. Mais je pense que Michel va pouvoir redresser la barre.Est-ce que le club va lui laisser le temps ?J'espère que oui. Au moins la saison parce que c'est toujours difficile de changer d'entraîneur. On parle toujours de choc psychologique, je ne sais pas si ça existe. C’est la manière dont l'entraîneur fait évoluer son équipe qui peut changer les choses. Michel a des joueurs intéressants. Abou Diaby va, je l'espère, revenir. Donc je ne suis pas inquiet, ils vont finir dans les places européennes sans problème.Vous évoquez Abou Diaby avec qui vous avez joué. Son éclosion à l'OM tarde en raison de nombreuses blessures, mais vous avez confiance en lui ?Oui il va revenir et je lui souhaite. On a joué ensemble à Arsenal et je le connais un peu. Je peux vous dire que c'est un garçon qui a beaucoup de qualités. Malheureusement, il est fragile et il est souvent blessé. Mais c'est un grand professionnel qui sait où il va. Maintenant avec Abou il faut être patient et lui laisser le temps. À lui de trouver le bon tempo. J'ai hâte de le voir joueur à l'OM.On dit qu'il s'est déjà imposé au sein du vestiaire, que c'est un leader. Après le départ de nombreux cadres, l'OM a besoin de retrouver des leaders..Oui forcément, une équipe a toujours besoin de leaders. Il en faut toujours 3 ou 4 dans un vestiaire. Je pense que Abou a les qualités pour faire passer des messages, parce qu'il a de l’expérience. Il a connu le haut niveau avec Arsenal et l'équipe de France. C'est à lui de trouver les bons mots. Mais le plus important c'est qu'il soit en bonne santé. Parce que s'il est en bonne santé il sera sur le terrain et qu'il peut faire des dégâts.Par rapport à la Premier League, en Ligue 1 on a le sentiment que le champion est connu par avance. C'est dommage qu'il n'y ait que le PSG ?Oui c’est dommage, mais pour les supporters du PSG c'est très bien. Les joueurs, et les dirigeants du club ne vont pas s'en plaindre parce qu'ils savent que s'ils sont professionnels ils seront champions. Il n'y a pas d'équipe qui puisse rivaliser. Que ce soit dans le jeu, dans le collectif et sur le plan financier. Maintenant l'objectif du club c'est la ligue des champions.Alors pourquoi ça ne fonctionne pas ?Tous les joueurs dans l'effectif connaissent le très très haut niveau. Mais en ligue des champions, les adversaires sont aussi bons que lui voir meilleur que vous. Ça se joue à peu de choses, mais généralement c'est quelques individualités qui peuvent faire basculer la rencontre.Le PSG n'est pas encore taillé pour gagner cette compétition ?J'aimerais en tant que Français. Maintenant, ça me semble difficile parce qu'il y a des équipes qui sont pour le moment plus armées. Je pense au Real, au Barça, mais surtout au Bayer de Munich. Pour mois le PSG va tout de même atteindre les demi-finales.L'équipe de France va avoir deux vrais tests en novembre contre l'Allemagne, championne du monde en titre et l'Angleterre qui n'a pas perdu un match depuis juin 2014. Selon vous est-ce que l'on peut s'attendre à des joueurs surprises dans le groupe ?Oui et non. Oui s'il y a des blessés et des absents. Dans ce cas, Didier Deschamps fera appel à des jeunes. Mais non parce qu'il faut préparer l'Euro. Si tous les joueurs sont opérationnels, il rappellera le groupe qui est déjà dans son esprit. Ce sera deux gros matchs amicaux contre deux vrais adversaires que l'on va peut-être croiser durant l'Euro.Quand il dit que la porte est toujours ouverte, c’est du bluff ? Pour le cas Hatem Ben Arfa, peut-il être rappelé ?Oui parce que Didier Deschamps l'a toujours dit, il sélectionne les joueurs en forme. Et Ben Arfa est en forme. S'il se tient à cette ligne de conduite, il doit le rappeler. Maintenant on sait ce qui s’est passé dans le passé avec Hatem. Est-ce que Didier est rancunier ou pas. Il n'y a que lui qui peut le dire. Mais le dossier Hatem Ben Arfa est très bon parce qu'il fait un superbe début de championnat et il mériterait de réintégrer la sélection.À huit mois du début de l'Euro qui se tiendra en France, quelles sont les certitudes de l'équipe de France ?Quoi qu'il arrive, je crois en cette équipe de France. Quand je vois les noms qui figurent sur la feuille, c'est pas mal. Il y a de l’expérience, les joueurs connaissent le haut niveau. Maintenant certains joueurs doivent devenir plus des leaders. C’est aussi le rôle de Didier de désigner les joueurs. Mais globalement, j'aime beaucoup cette équipe de France qui pratique un beau football. Le prochain match face aux Allemands sera un vrai test et on pourra voir comme fonctionne notre jeu par rapport à eux.Le groupe a aussi l’expérience de 2014. C'est important d'avoir ce vécu commun ?C'est même très important. La dernière coupe du monde s'est très bien passée même si malheureusement nous avons perdu en quart de finale. Mais globalement, le jeu a été pas mal. L'image est redevenue plutôt sympa auprès des supporters, des fans et de la fédération. Globalement, tout ça, c'est bien. Mais ce que l'on demande à une sélection comme la nôtre c'est de gagner. Elle est capable de le faire. Mais attention, un championnat d'Europe c'est plus difficile qu'un mondial.
Robert Pires : "Je crois en cette équipe de France"
Par Justin Boche
L'ancien champion du monde 1998 et champion d'Europe 2000 était l'invité exceptionnel de Judith Soula pour un entretient confidence dans Sud Radio Sport. Sa reconversion, Arsenal, Chelsea, le PSG, l'OM, l'équipe de France, il n'a rien éludé. Interview-fleuve.