Roland Courbis est-ce un mélange de Pagnol, Raimu et Fernandel. Ça vous va comme descriptif ?Rolland Courbis : (soupire) Eh bas dis donc, je pensais entendre Alain Delon et malheureusement il a été oublié (rire).On a l'impression que vous êtes insensibles ?R.C : J'ai bien obligatoirement une carapace parce que j'ai traité dans pas mal de choses différemment et je ne suis pas facilement imperturbable. Mais je ne suis pas en acier.Vous avez même connu la prison. Ça a été une période difficile qui vous a fait changer ou affecter ?R.C : Ça m'a permis de voir que j'ai été traité différemment. Je sais ce qu'il y avait dans le dossier et ce qu'il n'y avait pas. Je suis d'une nature généreuse. J'ai vu tout au long de l'instruction que compte tenu des irrégularités que j'ai pu commettre que l'on était très content de me voir en prison. J'aurais mieux fait de me taire sur certains commentaires et j'aurais eu peut-être moins d'ennemies à cette période-là. Mais c'est terminé cette fois-ci.Ça fait 30 ans que vous entraînez. Aujourd'hui, vous êtes à Montpellier, vous n'avez jamais eu de lassitude ?R.C : En ce qui concerne la passion pour le football non. Je suis née avec et c'est difficile pour moi de me faire penser différemment. Même ces derniers temps avec nos résultats ridicules je suis quand même resté motivé.
"La patte Courbis elle n'existe pas"
Durant ces 30 années en quoi votre métier a le plus évolué ?R.C : En tout. On le voit dans la mentalité, dans le matériel, dans les progrès que l'on a pu faire sur un plan scientifique concernant la préparation, la musculation est arrivée même peut-être un peu trop.Vous avez donc évolué dans votre façon d'entraîner. Aujourd'hui, ce serait quoi la méthode Courbis ?R.C : La patte Courbis elle n'existe pas. Et ce n'est pas de la modestie de ma part. Ce qui existe aujourd'hui c'est de l’expérience. Il est indispensable d'avoir des connaissances, mais aussi de l’expérience. Mais cette dernière ne peut arriver qu'avec le temps en comparant et en réfléchissant. On peut acquérir une expérience plus rapide en discutant avec les grands entraîneurs. Avec des gars avec qui vous passez une heure ou deux et avec qui vous gagnez un an ou deux grâce à leurs réponses. Si aujourd'hui prétendre avoir une certaine expérience et compétence c'est que mes erreurs sont de moins en moins grosses et de moins en moins nombreuses. C'est pour ça que je peux dire sans l'ombre d'une modestie, tant mieux pour le club qui m'emploie.La victoire à trois points c'est toujours aussi "con" ?R.C : Oui toujours. Ce n'est pas que je veux être têtu. Mais je n'ai toujours pas compris que l'on insiste. Cette victoire à trois points est née avec l'objectif de rentre le football attractif. Mais je pense que le rugby est plus intelligent que nous en ayant inventé un bonus sur un écart. Ce qui me semble très intéressant. Mais pour avoir trois points dans le foot, on fait quoi ? Si on marque un but, les équipes font quoi ? Elles veulent en marquer un deuxième ? Non, elles gardent leur but pour ne pas en prendre un. Et si la victoire à trois points donne une intention plus agréable dans le football, alors mettons-la à 10 points. Mais ça ne fonctionnera pas.
"Dans les équipes que j'entraîne, il y a rarement de pétage de boulons, de cartons jaunes ou rouge"
Vous avez aussi souvent dit que vous ne comprenez pas les roulades après les buts alors qu'il faut rester concentré..R.C : Dans les équipes que j'entraîne, il y a rarement de pétage de boulons, de cartons jaunes ou rouge. C'est aussi parce qu’on fait tout pour. Quand il y a un but, il y a des stats qui disent qu'il y a une concentration tout à fait logique sauf pour un but de break. Si mon équipe marque le but du 2-0 à la 93e minute alors là oui, je leur dis 'embrassez-vous'. Mais ce que je ne veux pas c'est que l'on se déconcentre en cours de match pour un but marqué en donnant la possibilité à l'adversaire de marquer très vite et de revenir dans le match encore plus fort qu'à 0-0.Avec Montpellier vous flirtez avez la zone rouge même si vous vous êtes récemment donné un peu d'air. Vous avez déclaré : "Je me pince, je vais finir comme un dalmatien". Mais finalement, ils font du bien ces points ?R.C : Oui, mais ce n’est pas sur les points que je me pince, mais sur les scénarios. Sur le match de Nantes, ils ont fait un bon match, on égalise, et on marque en fin de match. De plus on n’a pas eu de blessés, chose qui n'est pas arrivée souvent depuis le début de la saison où on n’est pas épargné.Vous sentez-vous toujours menacé ?R.C : On est forcément menacé dès qu'une saison commence et dès que l'on choisit d'être entraîneur. Je me prépare donc à tous les cas de figure. Que ce soit quand une saison démarre ou quand je prépare un match. J'envisage toujours que l'on puisse perdre, faire un nul, mais surtout gagner. Le jour ou j'envisage une défaite possible, j'ai forcément l'air moins catastrophé.
"Loulou c'est quelqu'un de spécial"
On a souvent parlé des vos relations avec Louis Nicollin comme un "je t'aime, moi non plus". C'est le cas ?R.C : Loulou c'est quelqu'un de spécial. Le plus important avant le football c'est la santé. Mais quand on sait que sa santé était en partie du aux mauvais résultats. Comme c'est indirectement de notre faute, forcément ça nous touche.Vous allez bientôt récupérer Morgan Sanson ?R.C : On ne va pas lui demander trop au début. Jusqu'à la trêve de Noël il fera des petits bouts de matchs. On verra un Sanson à 100% au mois de janvier.Vous visiez quoi au début de saison ?R.C : Notre 7e place de la saison dernière, c'était une position extraordinaire. Si on avait les capacités financières de garder 90% de notre effectif et de prendre 3 ou 4 joueurs de grande qualité alors on aurait d'autres objectifs. Cette année, on est repartie avec un nouveau chantier. Nos joueurs pour certains doivent se faire à la Ligue 1. D'autres joueurs expérimentés doivent apprendre à connaître l'équipe et la Ligue 1. Mais je ne pensais pas que l'on puisse avoir autant de problèmes pour reconstruire un groupe compétitif. On va faire notre maximum pour terminer la première partie de saison correctement en essayant de se rapprocher des 20 points. On va aussi essayer de faire une bonne partie de saison pour s'en servir la saison prochaine. C'est notre objectif. Il y a aussi, mademoiselle la coupe de France qui va commencer à séduire tout le monde. Ça démarrera en janvier et c'est un rêve pour moi de nous servir de cette saison pour aller au bout en coupe.
"J'aimerais c'est qu'il y ait quatre ou cinq clubs comme le PSG"
Quel est votre club de cœur ? Toulon ou Marseille ?R.C : C'est ex-æquo, mais on peut aussi rajouter Monaco. C'est un trio. C'est très compliqué. Marseille c’est l'endroit ou je suis née même si nul n'est prophète en son pays. Mais c'est impossible de faire un classement.Après une nouvelle défaite, les supporters de Marseille ont scandé des « vendez-le, vendez-le ». Pour vous, ce serait une solution de vendre ce club ?R.C : C'est une solution oui. Mais est-ce une bonne solution ? Pour ceux qui achèteraient le club, si c'est pour mettre ne place un club aussi sérieux et puissant que celui des Qataris au PSG, c'est certain que du côté de Marseille on rêverait que des investisseurs arrivent et aient des problèmes pour savoir comment dépenser son argent. Tous les clubs en France ont des problèmes pour savoir comme récupérer de l'argent. Et il y a un club dont on ne peut pas s'étonner qu'il soit premier parce qu'il a des problèmes pour pouvoir dépenser son argent parce qu'il y a des règlements qui l'interdisent.Vous regrettez que le championnat soit plié d'avance ?R.C : Non, mais ce que j'aimerais c'est qu'il y ait quatre ou cinq clubs comme le PSG. Heureusement que le PSG, alors que je considère que c'est un rival, est là pour sauver la face de la Ligue 1 dans la beauté du spectacle et des joueurs qui normalement ne pourraient pas jouer dans un club français compte tenu du niveau de leurs salaires et du prix de leurs transferts.
"Les générations évoluent. Pas forcément dans le bon sens"
Karim Benzema, Mathieu Valbuena. Didier Deschamps a-t-il eu raison de se priver de ces deux joueurs ?R.C : Disons qu'il n'a pas eu besoin de réfléchir sur le cas Benzema puisqu'il était blessé. Et mettre Valbuena au repos sur deux matchs qui ne sont pas officiels est logique et indispensable. Il y a dû avoir une discussion entre Didier et Mathieu en se disant "aller passe cette période tranquillement". Ils ont dû trouver une solution ensemble.Est-ce que l'on peut imaginer les revoir ensemble en équipe de France ?R.C : Que l'on donne des réponses avant même d'avoir entendu la position que prendra Mathieu Valbuena dans cette affaire-là pour nous expliquer le rôle qu'a pu tenir Benzema. Je pense que c'est trop tôt.Ces deux joueurs sont-ils indispensables à l'équipe de France ?R.C : Pas du tout. Si Mathieu Valbuena et Benzema sont forfaits pour l'Euro pour des raisons de blessures on ne va pas déclarer forfait. Et les deux qui vont les remplacer, que ce soit Griezmann ou Martial, seront peut-être des révélations comme on en voit souvent.
"On peut tous dire des conneries et on en dit tous. Ça peut arriver aussi à un ministre"
Concernant toutes ces affaires : sextapes, Knysna, comportement durant l'Euro 2012. Est-ce qu'il y a un problème de génération ?R.C : Je ne sais pas. Les générations évoluent. Pas forcément dans le bon sens. Mais d'un autre côté, ce que nous étions capables de faire ou de ne pas faire il y a 30 ou 40 ans, c'était une autre période. Quand je vois ce que l'on peut faire avec un portable, chose qui n'existait pas. Sur les réseaux sociaux, Facebook, Instagram, pic et pic et colégram. Voir que l'on peut se retrouver dans une soirée à 3 ou 4 heures du matin en photo avec des confettis sur la tête. Ce qui autrefois aurait donné droit à des discussions le lendemain matin, aujourd'hui ça fait le tour de la planète suivant l'importance et la notoriété de la personne. On ne peut pas comparer les époques parce que j'ai l'impression d'avoir changé de planète.Le ministre des Sports, Patrick Kanner se dit favorable à la mise à l'écart des sportifs mis en examen. Qu'en pensez-vous ?R.C : On peut tous dire des conneries et on en dit tous. Ça peut arriver aussi à un ministre. Je comprends à moitié ce qu'il veut dire. Si dans l'idéal on peut avoir en équipe de France des gens charmants, gentils, polis, sérieux et compétents, on serait tous d'accord. Mais si après on est obligé dans une période des meilleurs joueurs parce qu'ils déconnent à côté, dans une certaine limite, ça me paraît un peu exagéré.