Sud Radio Sports : Jo-Wilfried Tsonga jouera le double ce week-end, mais pas le simple, ça pourrait être une déception pour lui ? Thierry Ascione : Je ne crois pas, ça a été une stratégie commune d'après ce que je comprends. Les autres sont très forts aussi, donc il n'y a pas de soucis là-dessus. À partir du moment où il décide de l'aligner en double, je trouve que ça assez cohérent de mettre les deux autres très bons joueurs que sont Gaël Monfils et Gilles Simon d'entrée, pour les préserver pour le double s'il est décisif ou si justement le dimanche est compliqué. La terre battue en Guadeloupe a fait couler beaucoup d'encre depuis quelques mois. C'est un bon choix pour vous d'aller sur l'île ? Je pense que c'est pertinent. C'est mon avis personnel, mais à partir du moment où il fallait reconstruire une équipe et un état d'esprit, je pense qu'être loin de tout le monde c'était intéressant. Quand on connaît l'énergie plus ou moins négative qu'il y a autour de cette équipe, je pense que s'isoler là bas c'était une bonne idée. Le fait de vouloir jouer en extérieur, il n'y avait pas trop le choix non plus, car aujourd'hui rester en métropole pour jouer en indoor au début du mois de mars ce n'est pas évident. Malgré les nombreux frais que ça a coutés, allez jouer en Guadeloupe est assez bien stratégiquement.
"Gaël Monfils est complètement légitime"
C'est un évènement particulier pour Gaël Monfils qui est guadeloupéen, c'est aussi pour ça qu'on le voit en simple, ce n'est pas innocent de la part de Yannick Noah de l'avoir sélectionné ? Les arguments exacts je les saurais à la fin, car quand ils sont en Coupe Davis, je les laisse gérer parce qu'ils ont un discours d'équipe qui est bien cadré. Ça pourrait être un argument comme un autre. Mais aujourd'hui, Gaël Monfils est quinzième mondiale et il fait un super début de saison. Il est complètement légitime. Aussi, le capitaine parle avec les joueurs avant de les sélectionner, et Gaël a pu souhaiter jouer en simple parce que c'était important pour lui et qu'il se sentait prêt. Quand on a une équipe aussi étoffée que ça, on a la chance de pouvoir demander un peu aux joueurs comment ils le sentent et comment ils le voient. Et je pense que pour Gaël, c'est une sacrée motivation de pouvoir jouer chez lui.Il n'y a pas que l'aspect technique dans le choix des joueurs. On sait aussi que la Coupe Davis, c'est particulier, c'est à part, les matchs ne sont pas les mêmes et il y a une dimension humaine supplémentaire. C'est pour ça aussi que parfois les choix des coachs, des capitaines, ne se font pas en fonction des classements ATP ? Effectivement, déjà il y a de la surface et la dimension de 5 sets sur trois jours qui est importante. Il y a aussi le fait que c'est la première fois en de nombreuses années que les 4 joueurs sont alignés. Ce n'est quand même jamais arrivé. Alors après il y a des blessures, des choix stratégiques et sportifs, mais c'est un vrai discours du capitaine de dire qu'aujourd'hui il se sert de ces quatre joueurs-là pour peut-être tous les faire jouer le même weekend. Il annonce quand même la couleur de la suite. Après ce n'est pas évident, ce sont des choix qui à la fin peuvent avoir été bon ou mauvais. Ils ont la chance sur le papier de ne pas avoir à jouer face à Daniel Nestor et Milos Raonic, donc ça permet de faire des choix un peu plus mesurés. En effet, les meilleurs joueurs canadiens ne sont pas là alors que les meilleurs joueurs français sont bien présents pour ce tour de Coupe Davis, ça devrait bien se passer pour l'équipe de France ? Sur le papier ça devrait bien se passer, mais il ne faut surtout pas se déconcentrer ou se démobiliser. Aujourd'hui, Yannick Noah a essayé de créer un espèce de commando pendant dix jours, donc je pense qu'il aura les arguments nécessaires pour pouvoir garder cette tension positive tout au long du weekend. Mais évidemment l'équipe canadienne, sur le papier, est bien moins dangereuse qu'au départ.
"On a pas entendu les joueurs dans la presse depuis 10 jours"
Le fait d'être en Guadeloupe garde aussi la dimension évènementielle de ce tour alors que le fait d'avoir les meilleurs adversaires qui ne sont pas là pouvait faire perdre un peu ce côté exceptionnel. Finalement, comme on est en Guadeloupe, on est obligé de se transcender ? On a trop tendance à dire que s'ils perdent c'est une catastrophe ou que s'il y a une bonne équipe en face ça va être alléchant. Aujourd'hui, ça reste un match de Coupe Davis avec une nouvelle campagne et un nouveau capitaine. Les journaux remplissent des pages et des pages sur la Coupe Davis, l'histoire de Noah, etc. On n’a pas parlé des joueurs une seule seconde depuis dix jours. C'est aussi bien d'avoir quelqu'un qui pour une fois se met devant. Ça nous arrive aussi de prendre la pression plus que les joueurs sur le circuit toute l'année. Yannick a décidé de faire pare-feu et de protéger ses joueurs, j'espère que ce sera positif. C'est très rare aujourd'hui de ne voir aucune interview et aucune sortie dans les médias des joueurs. Parlons des joueurs dans ce cas, qu'en est il de Jo-Wilfried Tsonga, la tournée américaine n'a pas été très convaincante, est-ce qu'il est en forme ? Tout va bien, la tournée sud-américaine a été une tournée de deux tournois. Il a perdu contre Nicolas Almagro, on sait qu'il est capable de faire de gros matchs. C'est surtout un accident à Rio qu'il s'est passé, mais ça fait malheureusement partie d'une saison. C'est une petite alerte qui arrive, je trouve, au bon moment. Avant de retrouver cette folie et cet enthousiasme d'équipe de France. Contrairement à ce que je lis, il n'y a rien de dramatique. Il a eu une balle de match dès le premier tournoi de l'année et il perd en huitième contre Kei Nishikori qui est sixième mondial. Évidemment on attend toujours que ce soit plus, mais ce n'est pas non plus dramatique.
"Les problèmes de la fédération ne concernent pas les joueurs"
On sait que les joueurs de tennis fonctionnent aussi beaucoup sur la confiance et sur le mental. Est-ce que Jo a pu être perturbé sur ce début d'année par tout ce qu'il se disait dans les médias à travers les dossiers de la fédération française de tennis, de la Coupe Davis, le fait que Yannick Noah ait pris la place d'Arnaud Clément, etc. Il y a eu aussi beaucoup de choses écrites sur Jo-Wilfried Tsonga, à tort ou à raison, sur le rôle qu'il pouvait avoir au sein de cette équipe, comme quoi il était celui qui menait la danse durant la période Arnaud Clément. Tout cela aurait pu le perturber dans son tennis ?Je suis à l'intérieur donc je peux l'affirmer, le problème c'est que beaucoup de choses sortent de nulle part. À part avoir envie de prendre la parole et de dire qu'il n'a rien à faire là dedans et de demander pourquoi son nom est cité, je ne vois pas ce qu'il peut faire. Mais ce n'est pas son rôle, il n'a pas de temps à perdre parce qu'il faut qu'il se focalise sur sa saison, sur sa carrière et sur les années qui lui restent à jouer. Aujourd'hui, les problèmes qu'il y a à la fédération ne concernent pas du tout les joueurs, que ce soit Jo ou les autres. Ils n'ont rien à faire là dedans parce que c'est de la politique pure. Sur ce qu'il s'est passé avec Arnaud Clément, tout le monde est assez clair pour dire que la façon dont ça a été fait n'est pas normale. Après c'est toujours pareil, si cette année ils gagnent avec Noah, on dira qu'ils avaient raison de le faire et que les joueurs ont assumé leurs choix,etc. Et s'ils perdent, ça deviendra une catastrophe, enfin vous savez comment c'est aujourd'hui.On attend trop d'eux ? Je pense que ce n'est pas une question d'en attendre trop ou pas, mais plutôt d'être assez lucide pour se dire qu'on a beaucoup de chance d'avoir quatre joueurs de ce niveau-là, plus un Benoit Peyre qui est top 20 et un Nicolas Mahut qui gagne des tournois toutes les semaines alors qu'il a 34 ans. Je trouve que c'est assez pessimiste et que l'atmosphère est très négative. Je peux comprendre qu'il y ait une frustration parce qu'on attendait plus. Mais aujourd'hui, on parle quand même de l'Histoire du jeu qui est en train de se construire avec ces quatre joueurs. Tu évoquais l'état d'esprit a reconstruire, quelles sont les relations de Jo avec les autres joueurs, est-ce qu'il y a eu une discussion avec Nico Mahut ? Ils se voient toutes les semaines en circuit donc s'ils veulent se parler ils peuvent le faire. Moi je gère l'aspect sportif, surtout que j'entraîne aussi Nicolas Mahut. Tout le monde a donné son avis sur des choses ou personne ne savait quoi que ce soit. Ils ont réglé ce qu'ils avaient à régler, peut-être qu'il y a des choses encore qui n'ont pas été dites, mais ils se débrouillent, je ne suis pas un avocat qui règle un divorce ou l'inverse. Moi j'essaye de faire ce que je peux, que ça se passe le mieux possible. Nicolas est évidemment triste et déçu de ne pas être sélectionné. Sur ce qu'il s'est passé cet hiver, je pense que c'est deux trois phrases sorties d'un article de quatre pages. Je trouve que c'est exagéré. Dans cet article, même si on peut considérer que Jo n'avait pas besoin de parler de Nico, c'est plus une façon de se défendre que d'attaquer qui que ce soit. Nico a fait sa sortie car il a voulu répondre à la presse. Ils se débrouillent aujourd'hui, ce sont de grands garçons. Ils se sont parlés, est-ce que ça a suffi pour régler les comptes je ne sais pas, mais je trouve ça assez dommage que tout le monde se mêle de ces choses-là et que ça puisse sortir dans la presse.