David Duquesne publie un livre : Ne fais pas ton Français ! (Éditions Grasset).
David Duquesne : "Al-Françalus est en train de se réaliser en France dans beaucoup de quartiers"
Qu'est-ce que ce livre ? "J’ai commencé à écrire sur les réseaux sociaux en 2012, après les crimes perpétrés par Mohamed Merah, parce que ce que j’entendais ne correspondait pas du tout au réel que j’observais depuis ma plus tendre jeunesse. Je voulais un petit peu ramener de la réalité. Ce livre est un miroir de la société française sur les 70 dernières années, pour montrer la mutation anthropologique, culturelle et civilisationnelle qui est en train de se jouer. On est passés de la méritocratie républicaine à la préférence diversitaire. Et on est partis du roman national pour arriver à al-Françalus, qui est un peu la version nationale d'al-Andalus. Emmanuel Macron semble avoir une nostalgie pour un apartheid religieux ou la charia revisitée, les relations entres les musulmans et les non-musulmans. D’ailleurs, il faudrait le rassurer, Monsieur Macron, parce qu’al-Françalus est en train de se réaliser en France dans beaucoup de quartiers, que ce soit dans les quartiers nord de Marseille, en Seine-Saint-Denis, à Tourcoing, Roubaix, Grenoble, Rennes, Nantes, Bordeaux, dans certains quartiers de Toulouse…", a expliqué David Duquesne.
"C’est sur la communauté algérienne que s’est jouée l’assimilation, ou pas"
Comme le raconte David Duquesne, empêcher les Algériens de s’assimiler était une politique réfléchie de la France pendant la guerre d’Algérie. "À force des témoignages, j’ai appris qu’il y avait en France ce qu’on appelait les « bureaux du FLN », qui surveillaient les Algériens en France pendant la guerre d’Algérie afin qu’ils ne s’assimilent pas, qu’ils ne prennent pas les mœurs des Français. Les Algériens en France devaient aussi payer un impôt révolutionnaire qui finançait 80% des actions du FLN, ils devaient aussi payer un impôt pour les fêtes musulmanes, ils ne devaient pas marier leurs filles avec des Français… Ils ne devaient pas boire de l’alcool, ils ne devaient pas jouer à des jeux de hasard… Et s’ils ne payaient pas, on les exécutait. Donc, tout ce qui se passe aujourd’hui, l’origine est là.
Les gens étaient donc soumis à cette pression. Et ne pas faire son Français, ça a commencé à ce moment-là. C’est sur la communauté algérienne que s’est jouée l’assimilation, ou pas. Ensuite, beaucoup de Maghrébins (qu’ils soient Marocains ou Tunisiens) se sont greffés sur ce mouvement-là, puis des Indigénistes et les décoloniaux. Les décoloniaux et les Indigénistes ne font que dire ce qui se disait dans ma famille il y a 40-50 ans."
Pour David Duquesne, l’assimilation des Algériens en France est carrément impossible car c’est une société régie par l’appartenance clanique. "Mes grands-parents trouvaient que la France était un pays formidable. Ils faisaient l'effort de parler français à la maison, ils estimaient qu'on devait faire des études pour réussir. Mais ils avaient toujours peur du regard des autres musulmans du quartier. Je vais donner un exemple : quand ma mère a ramené mon père, qu'elle a connu à l'usine, ma grand-mère Fatima a dit à ma mère : ‘S'il te plaît, ne viens pas avec ton Français à la maison, tu nous fais la honte’. C'est ce qui pose le problème de l'assimilation : on fait venir en France des sociétés claniques qui sont structurées par le tribalisme solidaire. Et l'individu a beaucoup de mal à s'émanciper dans ces conditions-là parce qu'il est accusé de trahison identitaire. Et en plus, aujourd'hui, le problème qui se pose, c'est que si vous voulez vous assimiler, on s'assimile à quoi ? Puisqu'on a tout déconstruit… On a l'identité honteuse, quasiment criminelle. On dit aux petits Français : ‘L'histoire de votre pays, c'est une succession de pages sombres de crimes’. C'est pour ça que je vous dis qu'on est passés du roman national à al-Françalus. Ça crée deux types de citoyens : ceux qui ont honte de leur histoire, qui considèrent que leur histoire est une succession de crimes contre l'humanité, de pages sombres. Et vous avez de l'autre côté des gamins d'origine maghrébine qui vont être fiers et revanchards, puisqu'on va leur dire que l'islam, c'est génial. Et qu'en plus, on a été monstrueux avec eux, ce qui en plus va alimenter le carburant victimaire et faire le jeu des islamistes, des djihadistes et des islamo-indigénistes. Donc, si on veut détruire ce pays, on ne peut pas s'y prendre mieux."
"Si on s'en prend à un individu, on s'en prend au clan"
Les émeutes urbaines sont d’ailleurs un beau témoignage de l’importance du clan. "La politique d'immigration et la politique de logement social ont favorisé l'importation de grands clans familiaux. Parce que dans les pays du Maghreb, les gens vivent en clans, et on ne se mélange pas avec les clans voisins. Et ces clans se sont reconstitués dans les cités. Et l'individu dans le clan n'existe pas. Si on s'en prend à un individu, ce qui est la cause des émeutes urbaines, on s'en prend au clan. C'est l'angle mort de toutes les analyses intellectuelles. Parce qu'on prend une grille d'analyse qui convient dans le marxisme ou qui pourrait être acceptable pour le catholicisme. Mais dans l'islam, avec des populations qui sont structurées en groupes claniques, ça ne fonctionne pas.
Certains disent qu’il ne fallait pas les regrouper tous ensemble, qu’il fallait les saupoudrer, les disperser… "Bien sûr, Emmanuel Macron appelle ça ‘répartir les difficultés’. Et on voit ce que ça a donné puisqu'on a eu des émeutes généralisées dans tout le pays l'année dernière. Mais ceux qui disent ça sont curieusement ceux qui ne veulent pas limiter l'immigration et qui estiment que ceux qui arrivent sont prioritaires dans l'accès aux logements sociaux. Donc, ils sont un petit peu schizophrènes dans leur façon de présenter les choses. Comme ils ne veulent pas qu'on dise que c'est un problème, que cette immigration a des particularités bien différentes de celles qui sont arrivées antérieurement, ils veulent rejeter la faute sur la France. Donc, c’est un raccourci facile. Mais lorsqu'on gratte un petit peu, comme je viens de le faire, on se rend compte qu'ils sont les premiers responsables de la situation."
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