La décision du Président de la république de dissoudre l’Assemblée n’en finit pas de faire des remous. La dissolution, cet outil qui pouvait paraitre technique, semble ouvrir une crise politique dont personne n’imagine une sortie par le haut. Écoutez la chronique de Céline Pina
L'ironie veut que la dissolution soit avant tout un outil politique destiné à résoudre les crises, pas à les provoquer, selon le mot terrible mais juste du président du Sénat. Or la, cette décision, vécue comme irréfléchie par les Français, ouvre une période d’incertitude dont nul ne sait comment elle pourra se résoudre institutionnellement. Mais la cinquième République en a vu d’autres, des crises comme des dissolutions. Souvent liés à des crises, justement.
La constitution de 1958 était le fruit d’un compromis. Le texte donnait certes des pouvoirs importants au président, mais il établissait aussi un régime parlementaire. Or la réforme de 1962, qui visait à instituer l’élection du président de la république au suffrage universel, dotait celui-ci d’une telle légitimité populaire que le premier ministre ne pouvait faire le poids.
C’est pour cela que cette réforme va provoquer une première crise politique. Le parlement se rebiffe. De Gaulle, pour le contourner choisit alors de s’appuyer sur son prestige et décide d’organiser un référendum. Seulement l’article 89, dédié justement au référendum nécessite l’autorisation du parlement. Qui était opposé. Qu’à cela ne tienne, le président utilise l’article 11, son pouvoir propre. En réaction, le Parlement vote donc une motion de censure. Réaction du général ? il dissout. Résultat : Raz de marée gaulliste à l’Assemblée.
De quoi rasséréner Emmanuel Macron ?
Pas forcément. Ce rapport de force où le Président parle au peuple par-dessus la tête de ses représentants implique que le projet qu’il porte soit en phase avec les attentes populaires. Les français adhéraient à la réforme et à la personne de de Gaulle, ils lui ont donc donné les moyens parlementaires, législatifs et politiques d’agir.
Mais en mai 68, une partie des français est dans la rue, et pourtant, là encore de Gaulle utilisera la dissolution. Il prend un grand risque ?
La situation pour lui n’est pas différente de ce qu’elle était en 1962. Face à la crise, il redemande au peuple de le légitimer. Il vérifie si la rue est une minorité agissante ou la manifestation d’un mouvement de fond car tout le monde sait qu’il partira s’il n’obtient pas de majorité. En effet, si un président pèse lourdement sur l’action de son gouvernement quand il a une majorité parlementaire. En son absence il est réduit à un pouvoir d’empêchement et non d’action, ce qui convenait peu au caractère du général. On est ici dans un cas de dissolution référendaire. Le choix encore sera payant : la défaite des partis de
gauche rendus responsables de la crise de mai 68 est cuisante et la majorité présidentielle
sort renforcée de la crise.
Les dissolutions de 81 et 88 étaient dans la suite logique de l’élection parlementaire. Au Président dont ils avaient choisi de confier les rênes de la nation, les Français donnaient une majorité d’action. En revanche, en 1997, Chirac choisit la dissolution anticipée espérant éviter un trou d’air électoral un an plus tard. Mais il ne vient pas s’expliquer devant les français et envoie Juppé au front. La défaite est cinglante.
Pour utiliser la dissolution, on le voit, mieux avoir quelque chose à dire aux électeurs. Or
ceux-ci viennent de s’exprimer à travers les Européennes. Ont-ils l’impression d’avoir été
entendus ? En déroulant l’éternel thème de « moi ou le chaos », alors que les Français ont le
sentiment qu’il a déstabilisé le pays par caprice et sans nécessité, Emmanuel Macron fait un
pari dangereux, dont il sera sans doute le perdant"
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