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Elisabeth Lévy - "Abbé Pierre : C'est un lynchage !"

Alors que les révélations sur l’Abbé Pierre se poursuivent, Elisabeth Lévy se pose une question : Peut-on juger un mort ? Écoutez sa chronique.


Alors que les révélations sur l’Abbé Pierre se poursuivent, Elisabeth Lévy se pose une question : Peut-on juger un mort ? Écoutez sa chronique.

D’abord, je n’ai aucune sympathie particulière pour l’Abbé Pierre. Je me méfie des communicants de la charité, et il avait fermement défendu son ami négationniste Roger Garaudy. Ce n'était pas pas un grand sympathisant des juifs. Bref. Par ailleurs, les témoignages sur son comportement sont accablants. 7 femmes auraient subi des agressions ou des comportements inappropriés entre 1970 et 2005. Hier, Radio France relève un nouveau lot de révélations sur une vingtaine de victimes. Il est aussi question d'un voyage aux USA écourté pour cause des scandales sexuels. Ses relations « ambigües » avec les femmes, comme disent ses anciens proches, étaient connues.

Évidemment, tout ça a suscité une condamnation générale et commence une course à l’échalote de la révélation. La Fondation Abbé Pierre-Emmaüs a changé de nom. C'est compréhensible : n’importe quelle marque prise dans la tourmente essaierait de s’en démarquer. 

Mais alors pourquoi êtes-vous gênée ? 

D’abord, comme toujours, on juge un homme d’hier et des comportements d’hier avec des critères d’aujourd’hui. Les langues se délient alors que la statue est déjà tombée. Ensuite, on met sur le même plan des agressions sexuelles supposées et des liaisons. L’Abbé Pierre était une star, ce qui attirait certaines femmes.

Devant la justice, devant un juge, il pourrait se défendre, expliquer comment il en est arrivé à ces comportements, donner sa version... Mais dans un procès post-mortem, il n'y pas de défense. Donc c'est un lynchage. On rivalise dans l’indignation sans danger : plus on est sévère, plus on est vertueux. 

Vous me direz qu’on porte des jugements sur Napoléon ou Attila. Certes, mais le temps a fait son œuvre. L’Abbé Pierre n’est pas encore un personnage historique. Les victimes présumées sont encore vivantes. il faut les écouter mais aussi avoir le courage de leur qu’elles n’obtiendront jamais justice, car on ne condamne pas un mort. 

Pour autant, cela devrait nous faire réfléchir. Cet homme était une icône, une des personnalités préférées des Français. Ça devrait au moins nous inciter à la prudence sur les vendeurs de bons sentiments dont nous faisons des idoles. On peut être un symbole humanitaire et un sale type.

Retrouvez toutes les vidéos de nos éditorialistes dans notre playlist dédiée. Rendez-vous dans Le Grand Matin Sud Radio de Jean-Jacques Bourdin pour retrouver l'édito d'Elisabeth Lévy.

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