Antoine Dupont s'est livré au micro de François Trillo sur son retour au XV de France après trois mois de pause et un été olympique particulièrement riche. Le médaillé d'or est revenu sur les bénéfices du rugby à 7 sur son plan de jeu, la tournée de novembre et ses projets personnels.
Comment vis-tu la réintégration au XV de France ?
C’était quand même une période qui a été longue au final. Peut-être la plus longue pour moi sans jouer avec l'équipe de France de rugby. Évidemment, j'ai suivi le tournoi à distance et j'étais déçu, comme mes coéquipiers, des prestations qui n'étaient pas forcément au niveau de nos espérances. On s’attend à redresser la barre pour cette tournée.
Comment juges-tu ton retour à la compétition à 15 ?
Deux victoires en deux matchs, c’est plutôt positif et évidemment, il y a ce triplé qui a fait beaucoup parler pour le match où je suis revenu contre Clermont. Au final, c'est des situations où j'essaye d'être à tous les matchs et il y a des fois où ça ne marche pas. Et là, quand je reviens de trois mois de vacances ça marche. Peut-être que je leur avais manqué et qu’ils voulaient me faire plus de passes que d'habitude.
Tu penses que ton retour a été bon ? Tu te mets quelle note sur ces matchs ?
Je laisse les journalistes me noter, ils adorent faire ça.
As-tu vite retrouvé tes habitudes ?
J'étais quand même passé au club 2-3 fois pendant le mois de septembre. Je venais, je faisais de la préparation 1 jour ou 2 jours et je faisais quand même les séances collectives avec l'équipe donc ça me permettait de garder un pied dedans. Le système n'a pas beaucoup changé. Il y a quelques évolutions mais, tous les joueurs je les connais par coeur donc au bout de quelques jours d'entraînement c'est vite revenu.
Au Stade de Toulouse, il y a une bonne ambiance. Quand on est absent si longtemps, forcément il y a un accueil. Est-ce que tu as dû faire quelque chose de spécial pour ton retour ?
La chorée évidemment, avec Nelson on n'y a pas échappé. Dès qu'on est revenu tous les deux, on a dû leur montrer parce qu’ils étaient hyper impressionnés.
Pendant la célébration du 14 septembre, tu étais un peu à l'écart. Tu étais moins dans le rythme ?
J'étais toujours un peu à l'écart, au cas où il y a une fausse note. Je préférais me cacher un peu.
C'est un plaisir de retrouver le Stade Toulousain ? C’est la maison ?
Bien sûr ! J’étais content de revenir au club puisque, au-delà du rugby, j'ai beaucoup d'amis dans l'équipe. Pouvoir retrouver le quotidien de l'équipe, déconner avec les mecs, pouvoir s'entraîner aussi, puisqu’il faut revenir sur le terrain évidemment, ça me titillait un peu à force. Donc il y avait beaucoup d'enthousiasme quand je suis revenu.
Dix semaines sans rugby : c'était ton choix ou c'était une obligation légale par exemple ?
Savoir combien de temps durerait ma coupure, c'était une discussion qu'on avait eue avec Ugo (Mola) la saison passée. J’ai aussi réfléchi en fonction de la tournée de novembre avec l'équipe de France, où je savais qu'il me faudrait quelques semaines pour me remettre en jambe. Donc on est tombé sur cette date-là qui concordait pas trop mal.
Sur les réseaux sociaux, on t'a vu jouer au tennis ou encore au foot américain. Tu as varié les plaisirs. Le sport fait partie intégrante de ton quotidien ?
Oui, bien sûr, je me passionne de sport à la base. Quand j'étais petit, je pratiquais un peu tous les sports. Du moment qu'il y avait un ballon, quelque chose de ludique, ça m'intéressait. C'est vrai qu'avec nos carrières, on n'a pas forcément l'occasion d'avoir de plage à part l'été, de pouvoir faire d'autres choses ou de pouvoir se dépenser en faisant autre chose que du rugby. Comme cette période d'innocence où on s'amuse avec les copains m'avait un peu manqué, j'en ai profité cet été.
La tournée de novembre arrive avec le XV de France. Tu redoutes un peu ce retour ?
Il y aura toujours de l'appréhension. J'en avais avant de revenir le week-end contre Clermont. Mais c'est ça qui est stimulant. C'est ce qui nous motive à faire des efforts au quotidien, à se préparer de la meilleure des manières pour essayer de répondre aux exigences du rugby international, qui, on le sait, est quand même un temps au-dessus du top 14. On a quand même du lourd qui arrive en novembre, il faudra être prêt.
Un an après le match d'ouverture de la Coupe du Monde, tu retrouves les All Blacks ?
C'est toujours des matchs mythiques. Avoir la chance de pouvoir jouer contre les All Blacks ... En plus, à Paris ! Évidemment, il n'y aura pas que ce match-là, mais ça sera la rencontre phare de la tournée.
Cette tournée c'est un nouveau cycle pour toi ? C'est le coup d'envoi vers la Coupe du Monde de rugby de 2027 ?
Oui, bien sûr, et il y a le nouveau staff que je n'ai pas pu côtoyer au quotidien même s'il y a eu des échanges. Il y a eu de la nouveauté dans le staff physique et aussi sur le terrain. Il y a aussi beaucoup de nouveaux joueurs, on l'a vu dans cette liste, que je n'ai pas trop côtoyé non plus si ce n'est les week-ends en top 14 dans l'équipe d'en face. Donc oui il y aura pas mal de nouveautés et évidemment, ça nous projette vers le prochain objectif : la Coupe du monde.
De quel œil vois-tu la jeune génération de l'équipe ? Tu te dis « attention à ce concurrent »...
Quand on regarde les dates de naissance de certains joueurs dans la liste, même moi, je prends un coup de vieux... Ils ont eu de très bons résultats en équipes de France jeunes. C'est normal qu'avec les prestations qu'ils font en top 14, ils soient appelés. Nolann, Émilien, Théo Attissogbe, Paul Costes de chez nous vont arriver aussi. Nolann, j'ai eu l'occasion de le côtoyer dans un tournoi de rugby en 2023 où il avait fait une feuille de match, et où il n'était finalement pas rentré. Mais il est venu s'entraîner plusieurs fois avec nous. Évidemment, à chaque fois qu'il y a un joueur de qualité à ton poste, ça pousse toujours à essayer d'être meilleur, à essayer de se surpasser au quotidien et ça ne peut avoir qu'un impact positif.
Que penses-tu du nouvel encadrement qui va être fixé aux joueurs après les dérapages en Argentine ?
J'étais extérieur à tout ce qui s'est passé, que ce soit au tournoi ou à la tournée de novembre, j'ai vécu ça de loin, même s'il y avait des échanges avec le staff et qu'on en a discuté avec Fabien (Galthié). Bien sûr, il y a eu une réelle prise en compte des événements passés et il y a des choses qui seront mises en place. Il faudra qu'on en discute quand on va se retrouver. Mais oui, bien sûr, ça fera partie des nouveautés de cette tournée.
Tu suis toujours la culture du rugby ? Cette histoire de l'ovalie a accompagné ton enfance ?
Oui, bien sûr, ça a toujours eu une place importante dans ma vie. Cette passion-là, vu que je l'ai depuis petit, j'ai pu la nourrir en regardant les joueurs et les grands moments de l'équipe de France. On a toujours beaucoup de respect pour ces anciens joueurs de l'équipe de France. On a peu d'occasions pour échanger au final, mais il y a quand même toujours beaucoup de respect.
Entre le doublé Toulousain et ce titre de champion olympique de rugby, en termes d'émotion, quel est le plus fort ?
C'est toujours très difficile de graduer les émotions qu'on vit dans des moments comme ça. Très souvent, c’est lié au scénario, à comment se passe le match. La finale la plus dure des trois a été celle de la Coupe d'Europe où on a eu un scénario compliqué avec des prolongations. On finit avec un carton rouge, donc avec beaucoup de tension dans le match. Quand il y a un dénouement heureux, il y a un relâchement de tout ce qu'on emmagasine pendant 100 minutes. Je pense que le coup de sifflet final a été plus fort lors de la Coupe d'Europe. Malgré ça, il y a ce doublé dans ce match et ce scénario qu'on connaît qui, au final, ne nous a pas laissé de suspense. Mais quand on réalise qu'on a fait un deuxième doublé, qui reste historique dans le rugby français, on se rend vraiment compte qu'on a fait quelque chose de grand. Et trois semaines après, un mois après, je me retrouve avec une médaille d'or olympique autour du cou ... Je pense qu'on a presque tous été dépassés par ce qui nous est arrivé.
C'était la première journée des Jeux Olympiques, le jour de la cérémonie d’ouverture. Une fois qu'on a eu cette médaille autour du cou, tout ce qui s'en est suivi, ça a été... des moments incroyables. Quand je dis qu'on n'aurait pas pu imaginer ça, c'est parce qu'on a vraiment pu mesurer l'impact que peuvent avoir les Jeux Olympiques dans le monde entier après coup. On a vraiment eu cette sensation d'avoir lancé les Jeux pour toutes les équipes de France. Je pense que ça a donné beaucoup de motivation aux équipes collectives, puisqu'on s'y retrouve un peu plus. Mais même dans les sports individuels, on a vu d'autres joueurs, d'autres athlètes, qui ont gagné et qui ont dit que l'amour des gens les avait motivés. C'est dur à mesurer, c'est dur de mettre des mots dessus, mais c'était bien sûr une joie incommensurable.
As-tu ressenti une aisance pendant ces Jeux ?
Il y a des fois où les planètes s'alignent. Quand on voit mon sprint en finale face aux Fidji, je me retrouve avec mon premier ballon et un boulevard devant moi. Il y a un joueur qui revient, mais avec du champ, donc j’ai quand même de la place. Après, je suis rentré avec beaucoup d'envie et de motivation. Je tente l'extérieur, ça passe. Cette action-là, je pense qu'elle nous donne un coup de boost pour la fin du match. Mentalement, c'est là qu'on est passé devant les Fidjiens, ils ont senti qu'il y avait une énergie qui nous poussait. Mais si on regarde bien, dès le coup d'envoi ou Aaron récupère le ballon, c'était décidé. Les coups d'envoi c'est quelque chose de crucial.
En quart de finale à Madrid, tu rencontres Fargusson et tu le repousses sur 20 mètres. Il allait te pousser en touche mais tu sembles le repousser avec simplicité...
Quand on voit l'état dans lequel j'étais dans l'ambute, non ce n'était pas si simple. Le rugby à 7 te pousse dans tes retranchements physiques. J'ai été dans des états, ça ne m'était jamais arrivé d'être comme ça à 15. Au final ce n'est plus le corps qui parle, c'est la tête. Je me retrouve face à ce joueur, le moins costaud de l'équipe, je savais que j'avais plus de chances de pouvoir l'éliminer en lui rentrant dedans. Au final je n'avais pas d'espace ... Des fois je tente des choses sur le terrain, des fois ça marche plus que d'autres mais évidemment quand ça arrive dans des moments importants comme celui-là, ça pousse aussi toute l'équipe.
Qu'est-ce que ça t'a apporté, le rugby à 7 ? Quel est le meilleur point d'amélioration que le 7 t'a apporté ?
Je pense que ça a été surtout mental. Je l'ai dit et répété, ça m'a fait énormément de bien de vivre une nouvelle aventure, de casser ma routine, de sortir de ma zone de confort. Même si ce n'était pas évident. Au début, le pari a été réussi et ça m'a donné énormément d'énergie à chaque fois que je revenais avec le Stade Toulousain. Je pense que ça s'est vu sur la fin de saison où j'avais un enthousiasme que je n'ai quasiment jamais eu sur une fin de saison avec Toulouse. Physiquement, les saisons sont très longues, mentalement aussi. Après, niveau rugby, il y a quand même des spécificités. On en a parlé mais, par exemple, jusqu'à présent le Ruck, je ne le travaillais pas. Ça m'a permis d'avoir une corde de plus à mon arc. Sur la préparation physique, puisque j'ai fait des séances spécifiques pour travailler les longues courses et les longues distances, ça m'a permis d'améliorer ma vitesse ce qui me servira forcément à 15.
Ce double projet a été dur à tenir pendant quasiment un an ?
Pendant six mois oui, ça a été quand même raide. Faire les allers-retours à chaque fois... Il fallait que je me prépare pour le rugby à 7. Quand je revenais il fallait que je rebascule sur les efforts du 15 et physiquement c'était quand même très dur, surtout que le tour de Madrid est arrivé six jours après la finale de Coupe d'Europe …
Tu as pu la fêter cette coupe d’Europe de rugby ?
Oui le soir même, pour marquer le coup ! Mais après, dès le lendemain, j'étais avec les mecs, je ne fêtais plus parce que je savais que le surlendemain je prenais l'avion pour aller à Madrid. Sur le coup, c'était compliqué parce qu’on s'entraîne tellement dur pour arriver à vivre des moments de joie, de liesse comme ça, que quand tu ne peux pas en profiter, c’est dur de partir. Je savais depuis le début que j'allais avoir six mois où des sacrifices seraient nécessaires pour espérer quelque chose de grand à la fin. Évidemment, à chaque fois, les événements et les résultats m'ont donné raison.
Que peux-tu intégrer du rugby à 7 dans ton quotidien de joueur à 15 ?
Je pense que sur la préparation physique, je vais essayer de garder un peu tout ce qu'on a travaillé, aussi sur tout le travail d'appui, puisque évidemment, on le sait, le jeu de duel à 7 est hyper important. Nous à 15, des fois on se concentre plus sur l'organisation collective, les schémas collectifs, se trouver et trouver du lien. Toute cette qualité de duelliste que j'avais, je l'ai un peu perdu, laissé de côté sur le terrain, mais aussi à l'entraînement la semaine, et de pouvoir la retravailler, ça m'a fait prendre du plaisir là-dedans. Tout ce travail, j'arrive à le continuer.
Au niveau de la préparation des matchs, il y a beaucoup plus de décontraction quand on est 7. Il y a toujours de l'ambiance, de la musique. Quand tu joues trois matchs dans la journée, tu ne peux pas passer toute une journée hyper focus, tu perds trop d'influx, trop d'énergie et tu as besoin d'avoir ces moments où tu peux déconner. Malgré ça, cinq minutes après tu switches, tu prépares ta vidéo et tu as un match qui est une demi-heure ou trois quarts d'heure après. Ça m'a quand même fait beaucoup de bien de me dire que j'étais capable d'avoir cette décontraction qui ne m'empêchait pas d'être hyper concentré et prêt le moment venu.
Qu'est-ce que tu vas garder du rugby à 7 ? Tu vas continuer à suivre le circuit ?
Au-delà des joueurs, on a vécu une aventure incroyable entre nous. Ils sont nombreux à être restés dans le circuit, donc évidement, je vais continuer à garder contact. Je pense qu'on va se croiser quand on sera à Marcoussis, ça sera sympa de pouvoir échanger. Ils préparent à fond le tournoi de rugby de Dubaï qui arrivera à la fin du mois et ça sera cool de pouvoir continuer à aller les voir. Ceux qui sont en top 14, qu'on croise les week-ends, comme Aaron, Grandidier et Apo qui n'étaient pas sur le terrain, mais avec qui j'ai pu discuter un peu après, c’est toujours des moments sympas.
Cette expérience à 7, c'était une façon de mieux oublier ou digérer la Coupe du Monde de rugby de 2023 ?
C'était un peu ça, oui, puisque c'est arrivé quelques mois après ce quart de finale. Donc oui, bien sûr que ça m'a permis de me plonger dans une aventure différente, de me remotiver avec de nouveaux objectifs. Mais comme je l'avais dit, ça faisait plus d'un an et demi que tout était calé avec le club, avec la Fédé. Mais bien sûr que ça m'a fait du bien.
Avec du recul, la défaite en Afrique du Sud est la plus dure de ta carrière ? Tu l'as digérée, tu as re-regardé le match ?
J'ai regardé le match dès le lendemain, évidemment parce qu'il y avait beaucoup de frustration. Ça sera toujours douloureux et je pense que ça le sera certainement toute notre vie mais malheureusement on ne peut pas revenir dessus, il faut arriver à vivre avec, à relativiser. Mais il y aura toujours des regrets sur ce match et on en parlera pendant encore longtemps je pense.
Les trois ans qui arrivent, c'est un moteur pour toi ? Il faut penser à des moments difficiles pour avancer ?
Je ne pense pas que ce soit un motif de revanche ou quoi que ce soit. On sait que chaque match international joué va servir à préparer la Coupe du monde de 2027. D'ici là, il y aura de nombreux objectifs à court terme et à moyen terme avec les échéances qu'on connaît. Mais je pense que maintenant qu'on a de l'expérience. Au premier tour, en 2020, on ne savait pas trop où on mettait les pieds. On était très jeunes, on avait connu peu de victoires avec l'équipe de France. On sait tout le chemin qu'on a parcouru, toute la confiance qu'on a gagné pour arriver le plus près possible de cette Coupe du Monde de rugby. Donc on sait le travail qu'il nous reste à faire sur les trois prochaines années pour pouvoir postuler et prétendre à ce titre.
Après les Jeux Olympiques, tu as senti un impact sur ta notoriété ? Il y a eu un boost ?
Bien sûr, déjà avant, quand j'étais en fin de saison, on savait que j'allais jouer avec le 7 après les premiers tournois. Les gens quand ils me croisaient, ils ne me disaient qu'une chose : bonne chance pour les JO. Il n'y avait plus de top 14, plus de Coupe d'Europe. On sent vraiment qu'il n'y a rien de plus fédérateur que les JO dans le sport. Je pense qu'il y a beaucoup de gens qui n'étaient pas passionnés de rugby, même pas de sport de base, qui se sont mis à nous soutenir et à nous féliciter une fois qu'on a gagné ce titre, on a pu, je pense, tous se rendre compte de l'ampleur que ça avait pu avoir dans le pays. Moi, j'avais déjà une notoriété qui était assez importante, mais qui, je pense, a un peu grossi cet été.
Il y a eu un impact sur ton quotidien ? C'est devenu compliqué de sortir dans la rue ?
Oui et non. À chaque fois que je sors, les gens me reconnaissent, mais ce n'est pas pour autant qu'ils viennent me déranger. Ils sont très respectueux et puis ils sont habitués à me croiser à Toulouse. Ça ne m'empêche pas d'avoir une très belle collection de casquettes. Mais ça ne m'empêche pas d'avoir une vie quasi normale. On a de la chance dans le rugby d'avoir un public et des gens respectueux de notre vie et de notre personne. Et puis c'est quand même toujours du positif donc c'est dur de dire non.
Cette notoriété, il n'y a pas de risque qu’elle transforme le Antoine Dupont qu’on connait ?
Je n'ai pas eu, comme peuvent l'avoir certains athlètes avec les JO, ce phénomène ou du jour au lendemain tout le monde connaît ton nom. J'ai connu une graduation, c'est arrivé progressivement. J'ai pu m'y accoutumer petit à petit, que ce soit la notorité, les sollicitations extérieures ou les partenariats. Je pense que j'ai maintenant une méthode qui fonctionne au quotidien avec mon agent, avec mon club, dans lequel j'arrive à me retrouver, à m'épanouir et surtout, à continuer à être performant sur le terrain. C'est ça qui reste le plus important. Je n'ai pas connu un énorme changement cet été donc il ne devrait pas y avoir de changement sur ma personne non plus.
Tu as rencontré Lebron James et Léo Messi. L'échange a porté sur quoi? Ils connaissaient le rugby ? Ils avaient suivi le Seven ?
C'était très bref avec Lebron donc il n'y a pas vraiment eu de discussion. Avec Messi, J'ai eu l'occasion de discuter plus longtemps de ce qu'on avait fait cet été puisque il avait gagné une médaille à Pékin avec l'Argentine. On a parlé de sa vie là-bas, de sa vie en France, des échanges plutôt normaux même si la personne en face de moi ne l’était pas vraiment. Donc oui c'était assez impressionnant évidemment mais c'était quand même hyper cool d'avoir la chance de vivre des expériences comme ça.
Tu es aussi allé voir les Chargers à Los Angeles. Tu as observé des choses à l'entraînement qui pouvaient t'intéresser ? Des choses que tu peux peut-être transposer dans le rugby ?
Si on a le même budget pour faire le même centre d'entraînement, ça serait sympa. Mais non, c'est un autre monde. C'est un sport qui est complètement différent, mais évidemment on peut y trouver quelques similitudes donc j'ai pu échanger avec les staffs notamment, pour savoir comment ils travaillaient sur la défense, sur les changements de direction, les appuis. Après, sur le côté technique c'est quand même différent mais je ne suis pas sûr qu'il y ait beaucoup de choses qu'on puisse appliquer et répercuter dans le rugby.
Ugo Mola dit qu'il a souvent besoin de toi et des plus grands joueurs du stade. Toi aussi tu as besoin d'aller chercher des nouvelles choses autour de la préparation, de la data, de la diététique, des détails pour améliorer tes performances ?
Je pense surtout qu'il faut casser la routine. Au final, on est quand même jeune, même si c'est ma huitième saison au stade, on est un peu préparé pour tout le monde. Les saisons sont quand même répétitives, redondantes, il y a beaucoup de matchs. Les semaines d'entraînement, c'est quand même dur. Elles sont dures physiquement parce que le week-end tu prends des coups, et la semaine il faut t'entraîner dur pour être bon le week-end d'après. Donc on a besoin d'avoir ces petites bulles, soit de faire autre chose, soit de changer la routine, ça peut être un changement sur les méthodes d'entraînement ou ça peut être des améliorations. C'est surtout qu'il faut arriver à se remettre en question tout le temps parce que si tu refais ce que tu as fait la saison précédente, ça ne marchera pas parce que les autres auront bossé plus, ils auront trouvé de nouvelles choses. Donc tu as toujours besoin de te réinventer. Je pense que c'est quelque chose qui motive notre génération parce qu'on n'est pas forcément patients. On est très exigeants que ce soit envers nous-mêmes ou les gens qui nous entourent. Donc je pense que ça motive tout le monde à se surpasser.
Quel est l'objectif du Stade Toulousain pour 2025 ?
On sait combien les saisons sont longues, même si je me répète, c'est la vérité. La Coupe d'Europe, la Champions Cup, ça reste un format différent où il faut être très bon sur chaque rencontre pour avoir un meilleur classement pour les phases finales. Dès les matchs de décembre, il y aura des matchs à enjeu, même si ce ne sera pas des matchs couperet, ça sera tout comme. Il y aura toujours ces deux objectifs qui arrivent en même temps tous les ans et dans lesquels on essaye de performer au mieux.
Désormais, tu réponds aux médias étrangers en anglais. C'est un challenge pour toi ?
J’ai pris quelques cours avec le club. C’était évident pour le terrain mais aussi en dehors. C’est vrai que les étrangers font souvent l’effort de parler français. On n'a pas l'occasion de pratiquer l'anglais au quotidien, ce qui est très important aujourd'hui. J'ai essayé de faire cet effort-là et je pense que c'est aussi apprécié par les journalistes. Donc même si ce n'est pas toujours correct, ils apprécient qu'on fasse l'effort.
C’est bien pour parler aux arbitres aussi ?
Même si ça n'a pas d'influence et qu'on ne va pas le faire changer d’avis, pouvoir échanger sur le terrain c'est essentiel. Rien que de pouvoir lui poser une question ou bien comprendre ce qu'il nous demande, c'est quand même très important d'avoir cette relation là.
Le carton rouge allégé : quel est ton avis sur cette mesure ?
C'est dur de se positionner. Il faudrait voir au cas par cas, ça dépend des actions. Il y a des actions où il n'y a aucun doute, ou il y a vraiment une volonté de faire mal ou qu'il y a un non-respect flagrant des règles qui mérite un carton rouge. Mais il y a des fois, quand c'est à la dixième ou vingtième minute du match, qu'il y a un fait de jeu comme un contact épaule-tête par exemple, mais sans gravité et que tu te retrouves avec un carton rouge et à devoir jouer à 14 ... C'est vrai que ça change beaucoup le match pour un geste qui n'est pas très méchant à la base. Je pense que les arbitres ont quand même fait des efforts sur ça. Au début de l'adaptation de cette règle, il y avait énormément de cartons rouges. Aujourd'hui il y en a moins, ils ne sont plus mitigés sur leurs avis et il y a plus souvent des cartons jaunes sur ce type d'action. Dans tous les cas, on verra si on le teste ce que ça va donner.
Ça peut complexifier les règles du rugby ?
Oui, mais il faut essayer de protéger l'intégrité des joueurs tout en gardant une certaine équité sur le terrain. C’est une question qui n'est pas évidente.
L'intégrité des joueurs, le calendrier, il y a un lien. Est-ce que l’équilibre a été trouvé ?
On essaye. J'ai eu la chance d'avoir une gestion optimale l'année dernière. Au final, quand je suis revenu du 7, il n'y avait pas de matchs de top 14. Donc j'ai eu deux semaines de vacances après mes deux tournois. J'ai eu la chance d'avoir mon staff qui a fait des efforts pour me permettre d'avoir des plages de récupération. Le problème, c'est que les joueurs doivent négocier avec leur staff respectif pour avoir des périodes de récupération. C'est ça qui reste le plus compliqué à faire. Des matchs, il y en a trop. Tout le monde le sait, mais pourtant rien ne change. Je ne suis pas sûr que ça soit prêt de changer. Mais nous, on a connu Toulouse avec ce fonctionnement-là, avec des rotations, ça permet de maintenir une émulation et d'avoir des joueurs frais dans les moments qui comptent. Et surtout, de voir émerger d'autres joueurs. On a vu beaucoup de jeunes joueurs chez nous qui ont été très performants et qui nous ont permis d'avoir ce confort au classement sur la fin de saison parce que pendant les doublons, ils ont fait des super matchs.
Comment tu te projettes à l'avenir ? Entraîner, c'est quelque chose qui t'attire ?
Pas vraiment. Enfin, aujourd'hui, non, je ne me projette pas dans l’entraînement. Après, la fin de carrière est encore loin pour moi normalement.
Quatre Coupes du Monde de rugby, c'est un objectif ? Tu t'imagines aux États-Unis ?
Je ne sais pas, je ne me suis pas du tout projeté. Je verrai dans quel état est mon corps d'ici là et comment est ma tête aussi. C'est ça qui te dit si tu continues ou si tu arrêtes de jouer à un moment donné. Mais je pense que j'aurai besoin, à un moment donné, de couper, de faire d'autres choses quand j'arrêterai ma carrière. Peut-être que j'y reviendrai par la suite, mais aujourd'hui ce n'est pas un objectif.
Tu ne seras pas le successeur d'Ugo Mola ?
Il ne faut jamais dire jamais, mais aujourd'hui je ne m'y vois pas. Quand je vois les horaires qu'il fait et le stress qu'il se met au quotidien ça ne me donne pas envie. Je pense que, quand j'aurais passé peut-être 15 ans de ma vie à faire des efforts au quotidien sur mon hygiène de vie, ma performance, être bon tout le temps, j'aurais besoin à un moment donné de me relâcher et de faire d'autres choses.
L’hygiène de vie, c’est quelque chose sur lequel tu es pointilleux ?
J’ai un problème avec le sucre en plus... Mais non, je n'ai pas une vie d'ascète non plus. Malgré ça, il faut quand même toujours se coucher pas trop tard, bien manger, récupérer, faire la sieste pour être en forme le week-end. C'est une routine qui est très exigeante au quotidien.
Tu as réouvert une maison familiale qui est devenue une maison d'hôte. Raconte-nous ce projet qui dénote ce que tu es : attaché à ta région.
En fait, c'est à l'intérieur du domaine qu'on avait rénové avec mon frère. Et il y a la première partie ou se trouve la maison familiale. C'est là ou j'ai grandi, au cœur du domaine, ou on loue des couchages supplémentaires lors d'événements. On a fait une opération avec Airbnb pour proposer à la location des logements pour que des gens puissent venir dormir dans ma maison d'enfance et pouvoir partager un moment avec eux dans mon village natal, auquel je suis très attaché. J'ai un noyau familial et amical très important de ce village, avec lequel je suis toujours en contact quotidiennement. C'est important pour moi de pouvoir y revenir souvent.
On peut faire des passes avec toi là-bas ?
Je vais pour passer une après-midi avec eux, pouvoir échanger. Mon frère pourra faire visiter de la ferme et évidemment, découvrir le domaine dans lequel on va ouvrir un restaurant au printemps 2025.
Le fait d'être toujours proche de tes racines, c'est capital ? Tu joueras jusqu'à la fin de ta carrière au Stade Toulousain ?
Aujourd'hui, je ne me vois pas jouer dans un autre club en top 14 que le Stade Toulousain. Je n'ai pas de raison aujourd'hui d'en changer. J'ai la chance d'être dans un club qui est performant, dans une ville agréable à vivre et qui n'est pas loin de là où je suis originaire. Tous les facteurs sont réunis pour que je puisse continuer à m'épanouir ici.
Tu as aussi des intérêts personnels dans des startups, est-ce que tu peux nous en parler?
Ça fait partie des opportunités qu'on me propose qui sont extra rugby. C'est toujours intéressant de pouvoir se pencher sur d'autres secteurs, sur d'autres milieux. Il y a pas mal de joueurs de rugby qui travaillent avec Teampact. Évidemment Ben Kayser est dedans. C'est lui qui m'avait proposé d'investir dans cette start-up. Elle participe à la reforestation, ils plantent des arbres avec des drones dans des zones qui sont pas accessibles. J'ai trouvé le projet très innovant et hyper cool. Ça a lié deux choses positives et ça me permet de pouvoir me pencher sur d'autres sujets que le rugby.
Aujourd'hui tu es très sollicité par des partenaires. Tu regardes toujours l'impact qu'ils ont ? C'est important si ça a du sens?
Oui bien sûr, c'est toujours important d'essayer de donner du sens aux choses qu'on fait. L'environnement aujourd'hui, pas besoin d'en parler pour savoir que l'urgence écologique est déjà là. J'essaie donc d'apporter ma touche personnelle au quotidien.
Ça veut dire que ça fait partie des choses que tu peux faire après ta carrière ?
Je suis très curieux donc, comme je me lasse assez vite, je pense qu'il y aura beaucoup de secteurs qui m’intéresseront et dans lesquels je pourrais me pencher. J'espère en trouver un qui me passionnera autant que le rugby.
Tes prestations de chanteur dans les rencontres du Papotin ont interpellé Céline Dion...
Je suis en train de préparer mon nouvel album qui devrait sortir bientôt... Non, je ne me suis pas découvert une carrière. Ça m'a fait sortir de ma zone de confort mais je ne m'y attendais pas pour le coup. Je n’ai pas pu me préparer, prendre du miel pour ma voix suave. Mais c'était un moment hyper sympa, touchant, plein de sincérité, même si ce n'était pas évident. Ils n'ont pas forcément de filtre, ils n'ont pas le même prisme que nous, mais ils ont une pertinence que peu de gens ont et c'était très intéressant de pouvoir faire cette émission.
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