François-Henri Briard est revenu longuement sur l’affaire Telegram. "La censure a précédé la liberté d’expression. On la voit revenir sous certaines formes avec la modération. Le grand danger de la modération, c’est la censure de certaines idées qui ne correspondent pas à un certain conformisme de la pensée", a-t-il estimé.
Modération : "Il est important de faire la distinction entre les grandes questions sur lesquelles tout le monde est d’accord et le reste", estime François-Henri Briard
Est-ce la technologie qui a changé, ou est-ce l’antique combat qui se renouvelle entre ceux qui veulent censurer et ceux qui veulent s’exprimer ? "Aucune liberté publique n’est générale est absolue. Nous savons qu’il y a des limites nécessaires : je parle de la diffamation, de l’injure, du secret des affaires, de l’incitation à la haine raciale… Le particularisme de notre époque est que tout ceci s’exerce par la modération. Modérer, c’est limiter les excès. La modération n’est pas la même selon les cultures. Et il y a là certainement un danger pour la liberté d’expression. Je pense qu’il est important de faire la distinction entre les grandes questions sur lesquelles tout le monde est d’accord et le reste. Les grandes questions sur lesquelles tout le monde est d’accord, c’est le principe du Digital Services Act (DSA) : ‘ce qui est illégal hors ligne est illégal en ligne’. Je pense que la plupart des grandes plateformes ont une conduite tout à fait correcte à cet égard. Mais il y a aussi un domaine beaucoup plus flou : c’est la modération dans l’expression des idées."
Le pouvoir n’a-t-il pas intérêt à ce que le peuple soit le moins informé possible sur les questions qui gênent le pouvoir ? "Pour un libertarien, le fondement de l’État, ce n’est pas l’intérêt général, c’est la liberté individuelle. Les pouvoirs régaliens existent pour sauvegarder la liberté de chacun. Si vous êtes libertarien, le curseur de la modération est beaucoup plus bas", a expliqué François-Henri Briard.
"La complicité par fourniture de moyens comporte obligatoirement un élément moral"
Que penser de la "complicité" dont est notamment accusé Pavel Durov ? "Les plateformes n’ont pas d’obligation générale de supervision de ce qui se passe sur leur espace. Néanmoins, le Paquet numérique impose aux plateformes un certain nombre d’obligations, notamment de coopérer et de répondre quand il y a des demandes de réquisition émises par les autorités nationales. Parmi les chefs de l’information judiciaire retenus contre Pavel Durov, il y en a six ou sept qui ont trait à la complicité. Et cette notion de complicité est très discutable. La complicité par fourniture de moyens comporte un élément moral : elle suppose que Monsieur Durov ait été informé de ce que voulait faire l’auteur principal de l’infraction et qu’il ait eu la volonté de le soutenir. Donc, pardonnez-moi l’expression, mais les chefs de l’information judiciaire relatifs à la complicité ne tiennent pas vraiment la route », a répondu François-Henri Briard.
"Le grand danger, c’est l’intrusion dans les correspondances personnelles"
Les pouvoirs publics ne veulent-ils pas aller trop loin dans leurs velléités de connaître le contenu des messages échangés sur Telegram ? "Telegram comporte une messagerie interpersonnelle, comme sur Signal ou WhatsApp. Mais il y a aussi la possibilité d’ouvrir un canal, en d’autres mots une chaîne, un mini-réseau social. Cela peut aller jusqu’à 200.000 membres. Et là, il y a des informations publiques. La modération concerne cette partie immergée de l’iceberg. En revanche, sur la messagerie interpersonnelle, on est dans le secret des correspondances. Le grand danger, c’est l’intrusion dans les correspondances personnelles."
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