On dirait que les Européens se réveillent d’un long sommeil. François Bayrou a résumé l’illusion post-nationale et post-historique des élites dirigeantes : "Depuis 1945, l’Europe, l’Occident, la communauté des nations, vivait avec l’idée qu’une loi internationale régissait des relations internationales". Cette illusion est encore plus vraie depuis la fin de la guerre froide, où on nous a annoncé l'avènement d’un monde pacifié par le droit, le commerce, la démocratie et le capitalisme. À l’époque, le dicton de la communauté stratégique était : "Les États-Unis sont le maître idéal, ils sont riches et ils sont loin." Dans leur grande salle de gym, les Européens et les Français pouvaient s’adonner à la consommation financée par l’État-providence (les dividendes de la paix). Mais ils n’ont pas voulu entendre les prédécesseurs de Donald Trump qui exigeaient un partage du fardeau. Il n’est pas certain que les Américains quittent l’OTAN, mais il est probable que les 80 000 soldats américains basés en Europe vont plier bagage. Les Européens vont devoir payer pour leur sécurité.
Mais nous ne sommes pas en guerre avec la Russie
Il ne s’agit pas de faire la guerre, ni de brailler que Poutine c’est Hitler, mais de pouvoir se défendre.
Au-delà de Trump, de Poutine, de Zelensky et de l’Ukraine, dans un monde de carnivores, les herbivores seront tous vassalisés. Si on veut que la France redevienne une puissance d’équilibre, comme le souhaite Marine Le Pen, elle doit être respectée, elle doit faire peur. Il devrait donc y avoir une union sacrée pour augmenter notre puissance militaire. Or, on constate, par exemple, que les communistes retrouvent leur pacifisme béat, tandis que Jean-Luc Mélenchon critique l’impérialisme américain. La droite est divisée, le RN aussi, et les macronistes en profitent pour ressortir la défense européenne des tiroirs, ce qui revient à sortir d’une illusion pour plonger dans une autre. Bien sûr, il peut y avoir des coopérations, des alliances, des engagements communs, peut-être une garantie nucléaire pour certains de nos alliés si la France décide seule, mais nous n’allons pas décider de notre politique étrangère et de nos alliances à 26. Le bouleversement actuel devrait être l’occasion pour nous de reprendre le leadership en Europe.
Seulement, pour passer de 2 à 3,5 % du PIB en dépenses militaires, il faut trouver 40 milliards. Et je ne suis pas sûre que les Français soient prêts à l’effort nécessaire, alors que se profile un énième psychodrame sur les retraites. Ils devraient méditer cette formule de Thucydide : "Citoyens, il faut choisir : se reposer ou être libres…"
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