"La défaite fait partie du chemin." Fabien Galthié ne pensait sans doute pas que cette déclaration en conférence de presse avant d'affronter l'Irlande serait une prémonition. Un avertissement de ce qui allait suivre le 2 février à l'Orange Vélodrome. Une défaite 38-17, où le XV de France a subi plus d'1h en infériorité numérique. Dépassés par une Irlande qui n'a pas eu à forcer son talent outre mesure, les Bleus ont vu ressurgir toutes les interrogations autour d'eux. Une claque, une de plus après celle reçue quatre mois auparavant face à l'Afrique du Sud.
À peine le temps de cogiter, il a fallu revenir à l'essentiel, le combat, la défense et les innombrables coups de pied, pour glaner une victoire miraculeuse en Écosse au terme d'un interminable arbitrage vidéo. Un succès au "contenu parfait" pour Fabien Galthié, "une de mes plus belles victoires avec le XV de France" pour Grégory Alldritt. Hyperbole à la hauteur du soulagement d'être passé près d'une catastrophe. Du miracle à la catastrophe, il n'y a qu'un poteau. Le match nul face au voisin italien est historique, mais pas pour son contenu. Plus entreprenants et offensifs, les Bleus ont fini par perdre le fil de la rencontre. Un nul au goût de défaite pour une équipe encore convalescente.
C'est peut-être dans le contexte le plus hostile que la France a montré son meilleur visage. Pays de Galles-France, dans l'enfer du Principality Stadium, toit fermé. De faibles Gallois auront rappelé au coach de la défense bleue Shaun Edwards les trous d'air de son système actuel. Un système également mis à mal dans le Crunch en clôture du Six Nations à Lyon. Qu'importe, les oppositions galloises et anglaises n'auront pas résisté à l'appétit offensif retrouvé par la ligne d'attaque française. Des trois-quarts emmenés par un Gaël Fickou lui aussi retrouvé progressivement, étonnant meilleur marqueur français de la compétition avec trois essais.
La 2e place finale dans le premier Tournoi des Six Nations de l'ère Galthié II démontre finalement la capacité que ses Bleus-là ont eu à rebondir malgré les vents contraires.
Un jeunisme forcé
15, c'est le nombre d'absents avec lequel le staff français a dû composer avant et pendant le Tournoi. En plus d'Antoine Dupont parti découvrir le rugby à 7 en Amérique du Nord et de l'absence longue durée de Romain Ntamack, il y a aussi des cadres et joueurs faisant partie intégrante de la rotation bleue durant le premier mandat Galthié : Jelonch, Flament, Bourgarit, Wardi, Falatea et Jalibert pour ne citer qu'eux. Un facteur qui a poussé sur le devant de la scène des jeunes joueurs et présents dans le groupe dès le premier rassemblement : Nolann Le Garrec, Nicolas Depoortere ou encore Léo Barré.
Un jeunisme forcé qui a également bousculé les habitudes du sélectionneur aux entraînements. Au jeu des chasubles, le staff avait "décidé de mélanger les équipes, pas pour brouiller les cartes, mais pour apporter de l'énergie et challenger les joueurs" assurait Fabien Galthié. Le vent de fraîcheur insufflé par la jeunesse a semble-t-il remis tout le monde dans le sens de la marche, permettant aux Bleus de d'inscrire le plus grand nombre de points de leur histoire au Pays de Galles (45-24). Cela reste du domaine de la fiction, mais rien ne dit que ces joueurs, comme Posolo Tuilagi par exemple, aurait connu les joies immédiates d'une première cape sans toutes ces absences ou suspensions.
Mêlée conquérante, attaque inefficace
Emmené par son nouveau capitaine Grégory Alldritt, le XV de France a montré des lacunes puis des progrès dans différents secteurs de jeu. La principale lacune du jeu français a sauté aux yeux dès la rencontre d'ouverture à Marseille : la touche. Secteur privilégié du nouvel arrivant dans le staff Laurent Sempéré, l'alignement bleu a failli dans les grandes largeurs face à une Irlande clinique. Une faillite d'autant plus frappante quand on sait le niveau atteint par Cameron Woki et consort à la Coupe du monde dans ce domaine. En un mois et demi de compétition, les entraînements et le temps ont permis au paquet d'avants de régler la mire : il y a eu plus de touches perdues contre l'Irlande (4) que lors des trois dernières rencontres (1 lancer perdu par match).
L'efficacité en attaque est aussi un axe de progression important pour le nouveau responsable de ce domaine Patrick Arlettaz. Un peu en avance sur la période des vendanges face à l'Italie, les Bleus ont campé dans les 22 mètres italiens pour ne marquer qu'un seul essai (10 entrées dans les 22 adverses pour 0,7 point marqué par entrée). Comme pour son collègue de la touche, il a fallu du temps à l'ancien entraîneur de Perpignan pour commencer à poser sa patte, dans une volonté d'évolution du jeu davantage tourné vers la possession. La preuve sur les deux derniers matchs, avec respectivement 56 et 59% de possession et huit essais inscrits au total (deux fois plus que sur les trois premiers matches).
Le secteur de jeu le plus satisfaisant pour le XV de France a sans aucun doute été la mêlée fermée. 84% de mêlées gagnées, meilleur taux de réussite du Tournoi des 6 Nations. Loin devant les autres nations.
Un Tournoi pour se relever
Invité d'Au Coeur de la Mêlée : Le Mag lundi soir, le vice-président de la FFR Jean-Marc Lhermet dressait le bilan du Tournoi : "Quand l'équipe de France attaque un Tournoi des 6 Nations c'est pour le gagner. Donc quand on termine deuxième, on ne peut pas se dire que le Tournoi est réussi. Mais est-ce qu'on ressort plus fort de ce Tournoi ? Je pense que oui. Est-ce que le groupe est plus solide qu'au début du Tournoi ? Je pense que oui."
Retomber, pour se relever. S'il fallait qualifier le Tournoi du XV de France en une phrase, ce serait peut-être celle-ci. Six semaines de compétition pendant lesquelles Fabien Galthié et ses joueurs ont été chahutés, aussi bien sur le terrain qu'en dehors. Six semaines pour continuer d'évacuer la douleur d'une défaite en 1/4 de finale de leur Coupe du monde. Pour que ce Tournoi soit "le début de quelque chose d'autre" comme l'a expliqué le sélectionneur. Espérons pour les Bleus que les deux victoires consécutives en fin de Tournoi soit bel et bien le début d'un nouveau cycle positif pour le XV de France.