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Violences faites aux femmes : comment mieux accompagner les victimes ?

Par Justine Houllé

85 000 : c'est le nombre de femmes et de jeunes filles du monde entier qui, en raison de leur sexe, ont perdu la vie en 2023. Un constat "alarmant", révélé par l'Organisation des Nations unies (ONU) lundi 25 novembre, à l'occasion de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes.

En gros plan, une femme, visiblement victime de violences domestiques, présente un hématome protubérant sur la partie droite de son visage
pepifoto de Getty Images Signature

Qu'elles soient physiques, sexuelles et/ou psychologiques, ou encore commises par un conjoint ou un ex-conjoint, les violences domestiques touchent, en moyenne, 321 000 femmes françaises âgées de 18 à 74 ans au cours d'une année, selon les données du ministère de l'Intérieur. Comment mieux accompagner les victimes ? On en parle avec la Colonelle Marie-Laure Pezant, porte-parole de la Gendarmerie nationale.

Généralisation du dépôt de plainte à l'hôpital "d'ici la fin 2025" : comment la Gendarmerie nationale va-t-elle appliquer cette mesure ?

Dans le cadre de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, Michel Barnier était en déplacement ce lundi à la Maison des femmes de l'Hôtel-Dieu à Paris. L'occasion, pour le Premier ministre, d'annoncer de nouvelles mesures visant à "aller plus loin" dans la lutte contre ces violences qui, en 2023, ont coûté la vie à 93 femmes, selon les chiffres révélés en novembre 2024 par la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (Miprof). Pour plusieurs collectifs associatifs, ces chiffres sont sous-estimés. Par exemple, le collectif "Féminicides par compagnons ou ex" recense 112 féminicides en 2023. Quant à "L'Inter Orga Féminicides", elle a dénombré pas moins de 136 féminicides pour la même année.

Parmi les quatre mesures annoncées, celle de la généralisation du dépôt de plainte à l'hôpital "d'ici la fin 2025" a pour but d'aider les victimes à prendre plus facilement la parole. En clair : les dépôts de plainte pourront désormais être effectués dans des hôpitaux "dotés d'un service d'urgence ou d'un service gynécologique", soit "377 hôpitaux en France" sur 1 347 établissements publics, d'après les dernières données du ministère de la Justice publiées en 2022.

Une déclaration particulièrement saluée par Marie-Laure Pezant : "aller porter plainte n'est pas une démarche facile pour les victimes". D'où la nécessité, selon la porte-parole de la Gendarmerie nationale, de "développer des outils qui permettent d'aller vers la victime et de prendre sa plainte, à l'hôpital ou dans des tiers-lieux". Toutefois, précise la Colonelle, la Gendarmerie a déjà, "depuis quelques années", développé des outils qui tendent vers cet objectif : par exemple, l'ordinateur "Ubiquity" permet aux forces de l'ordre de "prendre des plaintes en mobilité".

Violences faites aux femmes : en 2022, seulement 15% des victimes déclarent avoir déposé plainte.

Il est important de rappeler qu'après avoir subi ce type de violences, seulement 15% des victimes déclarent avoir déposé plainte en gendarmerie ou dans un commissariat. En cause : pour beaucoup de victimes, déposer plainte signifie s'exposer à la "honte", au fait "d'être montrée du doigt" ou, pire encore, de subir des "représailles", rappelle Marie-Laure Pezant au micro de Benjamin Glaise.

En effet, 7 femmes victimes sur 10 déclarent avoir subi des faits répétés, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur. Dans les cas les plus extrêmes, le féminicide entre en jeu, avec des statistiques qui font froid dans le dos. En 2022, 118 femmes ont été tuées par leur partenaire ou ex-partenaire ; parmi elles, plus d'un tiers (31%) étaient victimes de violences antérieures de la part de leur compagnon. D'où l'urgence d'appliquer la "tolérance zéro" face à ces violences, comme l'a rappelé Michel Barnier, mais surtout, de mieux accompagner les victimes pour faciliter leur prise de parole.

Formation des forces de l'ordre à la problématique des violences faites aux femmes : où en sommes-nous ?

Une femme est tuée par un proche toutes les 10 minutes dans le monde, selon le rapport de l'ONU dévoilé hier. Alors que "la maison reste l'endroit le plus dangereux" pour les femmes, comment mieux assurer leur protection ? "Depuis le Grenelle [des violences conjugales] en 2019, [la Gendarmerie nationale] a développé et renforcé la formation" de son personnel, explique Marie-Laure Pezant.

Actuellement, "3 niveaux de formation" s'appliquent à la Gendarmerie. Au départ, "toutes les personnes qui entrent en Gendarmerie [suivent] une formation à la violence faites aux femmes, aux violences sexuelles et sexistes et aux violences intrafamiliales". L'objectif de cette "formation initiale" est d'acquérir "une base de connaissances" qui permette à la fois de "bien accueillir la parole" des victimes, mais aussi de"pouvoir traiter ce type de procédure", détaille la Colonelle.

Ensuite, "en formation continue, tous les gendarmes qui ont un contact au niveau d'un accueil [bénéficient] d'une nouvelle formation", avec l'objectif "d'avoir toutes les clés pour réagir" face à une victime de violences conjugales. Enfin, pour le "niveau expert, 5 jours de formation sont dispensés par le Centre national de formation à la police judiciaire (CNFPJ)", détaille Marie-Laure Pezant. "Plus profonde, cette dernière formation s'adresse aux personnels qui seront, au quotidien, dans le traitement des femmes" victimes de violences.

De plus, la porte-parole de la Gendarmerie nationale évoque la "[structuration]" opérée par l'institution pour s'adapter aux problématiques des violences faites aux femmes. "Référente nationale" sur le sujet des violences intrafamiliales, "référent" sur le sujet des violences faites aux femmes dans "chaque unité" de gendarmerie, "maisons de protection des familles" dans chaque département... dans ces structures, la mission principale consiste à "faire de la prévention" et à "traiter" les différentes affaires de violences domestiques.

Violences faites aux femmes : pour la Gendarmerie nationale, l'urgence consiste désormais à "détecter", au plus vite, "une situation d'urgence".

D'autre part, une formation visant à "détecter la vulnérabilité d'une personne", ainsi qu'une "grille d'évaluation du danger" et des "canvas d'audition", ont été mis en place par la Gendarmerie nationale. Une avancée des plus notables, se félicite Marie-Laure Pezant, puisqu'il est nécessaire, aujourd'hui, de "se poser les bonnes questions pour réussir à détecter une situation d'urgence". En plein procès des viols de Mazan, l'urgence consiste avant tout, avec ces nouvelles mesures, à améliorer la prise en charge des victimes dans les gendarmeries et les commissariats pour empêcher que d'autres morts tragiques n'aient lieu.

Afin d'éviter que d'autres femmes passent sous les radars de la protection qui leur est due en cas de violences, il est primordial de s'adapter "au fur et à mesure que l'on découvre de nouveaux modes opératoires", conclut la Colonelle. Pour l'heure, ce sont déjà 122 victimes qui, en 2024, n'ont pas pu être protégées, selon le décompte du collectif #NousToutes. Alors pour Leïla, Michelle, Brigitte ou encore Hayatte : n'oublions jamais leurs noms !

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