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Viols de Mazan : à quand l'inscription du consentement dans la loi ?

Par Justine Houllé

Après plus de 3 mois de procès, la Cour criminelle du Vaucluse, à Avignon, a rendu jeudi 19 décembre son verdict concernant l'affaire des viols de Mazan. Un procès historique, qui a notamment remis sur le tapis la question du consentement dans les affaires de violences sexuelles.

A demonstrator holds a placard reading ''when a woman says no, it's no, Gisele Halim'' during a protest to condemn violence against women, called by feminist organizations in Paris, France, on November 23, 2024, two days prior to the international day for the elimination of violence against women. (Photo by Jerome Gilles/NurPhoto) (Photo by Jerome Gilles / NurPhoto / NurPhoto via AFP)

51 accusés, tous reconnus coupables. Des peines allant de 3 ans d'emprisonnement - dont 2 avec sursis- à 20 ans de réclusion criminelle. C'est ainsi que s'achève le procès des viols de Mazan. Une affaire complexe, de grande ampleur et qui a, par ailleurs, relancé le débat sur l'inscription du consentement dans la loi. On en parle avec Marie-Pierre Porchy, magistrate honoraire et auteure de "Consentements, les vérités d'une magistrate" (Mareuil Éditions).

Consentement dans la loi : une "réforme" est "nécessaire maintenant".

2017 a été une année cruciale pour la libération de la parole des femmes. C'est notamment à ce moment que la notion de consentement s'est invitée dans les débats portant sur la législation en matière de violences sexuelles. Dès lors, le mouvement #MeToo est indissociable du fait de dire "Non, c'est non" lorsqu'un rapport sexuel n'est pas consenti.

Néanmoins, à l'heure actuelle, le droit français "ne parle pas de consentement", déclare Marie-Pierre Porchy au micro de Patrick Roger. En effet, l'article 222-23 du Code pénal définit le viol comme "tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d'autrui ou sur la personne de l'auteur par violence, contrainte, menace ou surprise". Et pourtant, ce n'est pas faute d'avoir essayé d'intégrer cette notion dans la loi : pas plus tard que mercredi 20 novembre, la proposition de loi de La France insoumise visant à inclure la notion de consentement dans la définition pénale du viol a été rejetée en commission des Lois.

Malgré tout, Emmanuel Macron en personne s'est dit favorable en mars dernier à une évolution de la définition du viol, quand le ministre démissionnaire de la Justice Didier Migaud évoquait fin septembre l'inscription du consentement dans le droit français. Mais alors, pourquoi le débat stagne-t-il ? Sur ce point, Marie-Pierre Porchy est formelle : "définir le consentement est une question assez complexe".

Preuve en est au procès des viols de Mazan, détaille la magistrate : lors de ces 3 mois d'affaire, "on a beaucoup utilisé le terme consentement, tout en constatant que la loi n'en parle pas". Mieux : tout au long du procès, il y a eu un "jeu de ping-pong entre le consentement et la contrainte", que ce soit de la part du "président de la Cour criminelle" ou du "procureur général". Une situation qui justifie, de fait, une "réforme" du droit français, selon Marie-Pierre Porchy : c'est"nécessaire maintenant", et surtout quand on constate qu'aujourd'hui, "le terme consentement s'invite absolument dans tous les débats juridiques et sociétaux".

Définition du viol dans la loi : "une gradation dans l'intentionnalité serait très opportune en France", à l'image de la Suède.

"Le fait d'être non consentant.e à un acte sexuel ne suffit pas à caractériser le viol" : c'est le terrible constat mis en avant dans la proposition de loi de La France insoumise visant à inscrire la notion de consentement dans la définition pénale des infractions d'agression sexuelle et de viol. Une situation que de nombreux pays européens ont pris en compte : le Danemark, la Suède, la Grèce, l'Espagne ou encore les Pays-Bas ont désormais inscrit le consentement dans leur loi. De plus, la première directive européenne visant à protéger les femmes victimes de violences et à harmoniser les sanctions à l'encontre de ceux qui les commettent a été adoptée en mai 2024. Avancée significative en la matière, la directive présente toutefois un bémol conséquent : l'absence d'une définition commune du viol dans l'Union européenne.

Toutefois, le Canada et la Suède sont le symbole de réelles "avancées dans le domaine", explique la magistrate. Par exemple, une loi sur le consentement sexuel, qui considère comme viol tout acte sexuel sans accord explicite, même en l’absence de menace ou de violence, est en vigueur depuis 2018 en Suède. De plus, le pays a"établi une hiérarchie dans l'intentionnalité", avec notamment la qualification de "viol par négligence" dans sa législation. Selon Marie-Pierre Porchy, la France pourrait s'en inspirer et "introduire des qualifications intermédiaires" dans le Code pénal. "Le tort que l'on a en France, c'est que [dans notre loi], c'est soit rien du tout, soit un viol ou une agression sexuelle. Une gradation dans l'intentionnalité serait très opportune en France", conclut-elle.

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